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L’acériculture et les changements climatiques : l’avenir a-t-il un goût aussi sucré?

Bien qu’elle soit encore perçue comme un secteur économique secondaire, l’acériculture, ou la production de sirop d’érable, est pourtant une industrie dynamique qui alimente les régions d’une énergie nouvelle et qui profite d’une relève bien présente. Néanmoins, les changements climatiques ont des impacts sur les érablières sucrières et sont une préoccupation importante pour les acériculteurs et acéricultrices.

  • Innovante, florissante et lucrative, l’industrie de l’acériculture fait du Canada le plus grand producteur de sirop d’érable au monde.
  • Les changements climatiques, de même que les insectes et maladies exotiques, menacent de plus en plus les érablières et la production acéricole en Amérique du Nord.
  • L’industrie acéricole peut favoriser la résilience des érablières actuelles à l’aide d’interventions sylvicoles qui augmentent la vigueur des érables et la diversité fonctionnelle des érablières.
  • À mesure que le climat change, il est possible de faciliter l’établissement d’érablières plus au nord en favorisant la croissance des érables là où ils sont déjà présents et en les plantant en mélange avec d’autres espèces feuillues là où ils sont absents.

L’acériculture, une industrie florissante au Canada

L’utilisation de l’eau d’érable est ancrée dans l’histoire de l’Amérique du Nord. Les colons européens ont pu s’instruire des connaissances des Premières Nations pour comprendre l’utilisation de ce produit forestier non ligneux. Le sucre d’érable est ensuite devenu une denrée de base pour les colons, puis il a été remplacé par le sirop d’érable. Pour bien des Canadiens et Canadiennes, la production de sirop d’érable représente autant un revenu d’appoint qu’une tradition familiale qui se transmet d’une génération à l’autre. Cela dit, depuis les 50 dernières années, la production canadienne de sirop d’érable a été multipliée par 7, passant de 11 à 79 millions de litres (ML) annuellement. Une telle hausse s’explique par la progression de la technologie (p. ex., tubulures, concentrateurs à osmose, presses à plaque, évaporateurs performants) ainsi que par la vision d’envergure qu’ont eue les regroupements de producteurs et productrices acéricoles.

Production acéricoles en 2022 Québec Nouveau Brunswick Ontario Nouvelle-Écosse Canada
Nombre d'entailles 48 672 648 3 523 948 2 013 549 420 383 54 647 591
Nombre d'entreprises 8 653 188 2 469 120 11 541
Sirop d'érable produit (ML) 72,5 3,7 2,7 0,2 79,1
Recettes monétaires (M$) 621,6 33,0 31,2 3,0 688,7

Production et exportation du sirop d’érable canadien 2010 à 2022

  • Le Canada produit environ 70 % de tout le sirop d’érable au monde, le reste provenant des États-Unis.
  • Le Québec à lui seul représente 90 % de la production canadienne.
  • Les produits de l’érable canadiens sont exportés dans près de 75 pays; les États-Unis en importent plus de 60 %.
  • Les exportations de produits canadiens de l’érable ont atteint 616 M$ en 2022.
Graphique à barres montrant à la fois la production (en millions de litres) en bleu et les exportations (en millions de litres) en orange de sirop d’érable pour les années 2010 à 2022.
 

Quel avenir pour les érables et l’acériculture face aux changements climatiques et autres menaces biotiques?

L’acériculture dépend des réserves de glucides non structuraux des érables. Ces réserves sont aussi essentielles à la survie des arbres lors d’une période de sécheresse, à la formation de nouvelles feuilles après des événements de défoliation et à la réparation de dommages aux racines.

Les changements climatiques influencent de plus en plus l’activité acéricole au Canada. Par exemple, un débourrement (développement des bourgeons) hâtif au printemps rallonge l’exposition des feuilles aux événements de gel tardif et, par conséquent, augmente le risque de dommages aux nouveaux tissus en formation. Ce gel tardif causerait des dommages plus importants que les gelées précoces d’automne. Si de tels événements deviennent chroniques, le gel pourrait réduire la croissance annuelle en bois et l’accumulation de réserves.

Tout comme le printemps, la saison des sucres commence de plus en plus tôt et pourrait être devancée de deux ou trois semaines de plus d’ici la fin du siècle. Cela dit, les effets des changements climatiques sur les rendements acéricoles sont moins clairs. Selon certains experts, la hausse des températures avantagera la production acéricole au Québec, et selon d’autres, elle n’y entraînera que peu de changement. Ces prédictions ne tiennent cependant pas compte de la recrudescence d’événements climatiques extrêmes (p. ex., sécheresses prolongées, gels tardifs au printemps, épisodes de chaleur extrême) et d’épidémies d’insectes exotiques qui risquent d’avoir un impact négatif sur la vigueur et la survie de nos érables et, conséquemment, la production acéricole.

Comment aider les érablières?

Consciente de l’impact des changements climatiques et autres menaces biotiques sur ses activités, l’industrie acéricole a à cœur la préservation de la santé des érablières ainsi que l’augmentation de leur capacité d’adaptation. Dans cette optique, des stratégies sylvicoles peuvent être mises en place pour atténuer les risques liés aux changements climatiques et autres menaces sur la production acéricole, telles que :

  • Le chaulage. Pour certains arbres ou peuplements, cette technique augmente la vigueur des érables et leur permet de mieux récupérer à la suite de stress climatiques ou biotiques.
  • L’éclaircie. En période de sécheresse extrême, elle favorise la réduction de la demande en eau des érables.
  • La diversité. Le maintien d’une certaine quantité d’espèces compagnes ayant des fonctions complémentaires (diversité fonctionnelle) dans les érablières peut favoriser la résistance et la résilience du peuplement.
Les événements climatiques extrêmes seront de plus en plus fréquents dans l’avenir. En mai 2022, une tempête de type « derecho » a dévasté des centaines de kilomètres carrés de forêt dans l’est de l’Ontario et l’ouest du Québec. Plusieurs entreprises acéricoles ont été touchées. En octobre, c’est l’ouragan Fiona qui a détruit des forêts en Nouvelle-Écosse. Certains acériculteurs ont perdu 30 % de leurs entailles, d’autres davantage. Ces arbres ne sont pas remplaçables et il faut environ 40 ans à un érable pour atteindre sa taille de production moyenne.

Un lent marathon vers le nord pour les érablières

Facteurs ralentissant la progression de l’érable à sucre vers le nord

  • Croissance très lente des érables : un arbre atteint sa pleine maturité entre 50 et 100 ans.
  • Faible distance de dispersion des graines : la majorité des graines se déposent à l’intérieur d’une trentaine de mètres de l’arbre parent.
  • Conditions de sol adverses en forêt boréale : réduction de la germination et de la survie initiale des semis.
  • Compétition avec différentes espèces : diminution de la performance des jeunes arbres.
  • Prédation des graines par les petits mammifères.
  • Herbivorie (broutage) par le chevreuil et l’orignal.

Les érables prendront des centaines d’années, voire davantage, pour migrer naturellement vers le nord et suivre leur niche climatique. En effet, la forte présence de conifères diminue leur capacité de germination et de croissance, ce qui ralentit leur migration. Toutefois, l'aménagement forestier offre des outils pour contrer ces facteurs limitants et, ainsi, faciliter la progression des érables vers de nouveaux territoires.

Lorsque les érables commencent naturellement à coloniser les forêts plus nordiques, il peut être possible d’accélérer la croissance des jeunes érables en pratiquant des éclaircies. Ces éclaircies visent à réduire la quantité de conifères qui ralentissent l’établissement et la croissance des érables et à augmenter la lumière disponible. Ce type d’aménagement pourrait donc faciliter la transition de la forêt mixte vers des érablières. En outre, aux endroits où les érables sont absents, mais où les conditions climatiques le permettent, il pourrait être possible de les planter en compagnie d’autres espèces feuillues qui améliorent les sols afin de faciliter leur établissement et leur assurer une croissance soutenue. De tels déplacements de l’érable vers le nord, qui constituent une forme de migration assistée, devraient être limités à des distances modestes (p. ex., moins de 200 km) afin de réduire les risques à la survie du matériel végétal migré et à l’écosystème récepteur.

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