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Arpenter la frontière : récit d’une expédition au 141e méridien

Joe Harrietha nous raconte son expédition de 2017 à la frontière Yukon–Alaska. Il est arpenteur à la Commission de la frontière internationale. Cet organisme canado-américain, dont la section canadienne fait partie de RNCan, est chargé de localiser et d’entretenir notre vaste frontière. Dans cette galerie de photos de La science, tout simplement, vous trouverez d’autres photos de Joe en train d’arpenter la frontière.

Par Joe Harrietha

Janvier 2020

La frontière Yukon–Alaska : une vaste étendue de terres sauvages, magnifiques et intactes, qui abritent caribous, orignaux, bœufs musqués, grizzlys et oiseaux – un véritable milieu naturel nordique. Notre mandat : refaire en partie l’arpentage de la frontière Canada–États-Unis, soit un « morceau » de 400 km dans un casse-tête de 8 891 km.

Où est Joe? Regardez bien : il est complètement à droite, en train d’arpenter la frontière.

Où est Joe? Regardez bien : il est complètement à droite, en train d’arpenter la frontière.

Le tronçon de frontière arpenté est encerclé en rouge, 2017

Le tronçon de frontière arpenté est encerclé en rouge, 2017

Le 141e méridien de longitude est une ligne qui s’étend de l’océan Arctique au mont Saint Elias – une frontière artificielle tracée sans égard aux entités géographiques. Ici, à une latitude de 60 degrés, le Yukon est plongé dans le froid, la neige et l’obscurité tous les jours pendant 24 heures en hiver, tandis qu’en été, cette même région jouit d’une clarté continue sur 24 heures et d’un temps sec et chaud.

Pour ma part, je me suis rendu là-bas pendant la saison chaude, en juin et en juillet, pour y effectuer trois tâches. La première consistait à positionner la frontière depuis la borne 1, située au bord de la mer de Beaufort, jusqu’à la borne 80, plantée à l’ouest de Dawson, au Yukon – un parcours de 85 bornes parsemé de stations d’arpentage toutes les six à huit bornes. Ma deuxième tâche consistait à faire l’arpentage des autres bornes visées par le projet. Et la dernière, à relier le tout au tronçon sud préalablement arpenté jusqu’au mont Saint Elias.

Enfin, tout était prêt pour l’expédition : le réservoir Fuel-Easy pour le stockage du carburant, l’hélicoptère (et son pilote), les permis, une radio par satellite pour nos longs vols, six récepteurs SMNS (système mondial de navigation par satellite) pour traiter les coordonnées de localisation ainsi que tout le matériel nécessaire à la réalisation d’un suivi continu de 24 heures. La première chose que je mettais toujours dans mon sac d’arpenteur était toutefois l’antimoustique, car nous étions au paradis des moustiques… puissance 10.

 

Joe consigne les coordonnées de la frontière canado-américaine à l’aide d’un récepteur SMNS positionné à la frontière Yukon-Alaska.

 

Joe consigne les coordonnées de la frontière canado-américaine à l’aide d’un récepteur SMNS positionné à la frontière Yukon-Alaska.

Comme nous étions peu nombreux (uniquement le pilote et moi-même), nous avions plus d’autonomie : l’hélicoptère pouvait transporter 600 litres de carburant supplémentaire, ce qui nous permettait de travailler presque toute la journée dans le nord.

Un spermophile émerge de son terrier sous une borne frontière que j’ai surnommée « pont d’entrée » du spermophile, car le logis avait une entrée dans les deux pays

Un spermophile émerge de son terrier sous une borne frontière que j’ai surnommée « point d’entrée » du spermophile, car le logis avait une entrée dans les deux pays.

Le travail s’est déroulé comme prévu : nous avons traité les résultats et pris note de l’état des bornes. Nous n’avons pas affronté d’intempéries, mais avons quand même dû réparer en catastrophe du matériel sur le terrain à cause des spermophiles et des chèvres de montagne qui ont la fâcheuse habitude de grignoter les câbles des récepteurs.

Les trajets en hélicoptère ne manquaient jamais de piquant. Non seulement devions-nous souvent sortir de l’appareil à des endroits dangereux comme des crêtes rocheuses et des pentes, mais nous devions aussi – et c’était ma bête noire – traîner tout notre attirail le long de la bande de terre défrichée en traversant des marécages et en gravissant des flancs de montagnes abruptes et instables. En vol, nous contournions les systèmes météo et les feux de forêt.

Malgré tout, l’aspect le plus palpitant de l’aventure demeurait le paysage époustouflant. Comme j’ai littéralement « arpenté la frontière », je peux affirmer que cette expédition est l’une de mes expériences les plus mémorables, qui m’a permis de voir un large éventail d’espèces sauvages – le plus large de toute ma vie – et d’admirer des formations géographiques vraiment fantastiques.

Cet hiver, dans mon bureau de la rue Booth à Ottawa, je me prépare pour une nouvelle expédition le long de la frontière Canada–États-Unis en me demandant : « Où la frontière m’amènera-t-elle la prochaine fois? ». Je me demande aussi – après 25 ans à arpenter la frontière – : « Est-il temps de tout recommencer? ». Pour le 141e méridien, dont nous avons récemment terminé l’arpentage, c’est sans doute la fin de l’aventure, à moins que ce ne soit simplement le début d’un nouveau cycle le long de la frontière Canada–États-Unis pour la prochaine génération.

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