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Science dans le Grand Nord

Dans cet épisode de Demandez à RNCan, Daniel Lebel de la commission géologique du Canada discute de la recherche qui se fait dans le Grand Nord à bord de brise-glaces à la Garde côtière canadienne pour cartographier le fond de l’océan Arctique.

Transcription

Joël Houle (animateur)

Bonjour tout le monde et bienvenue à l’émission Demandez à RNCan. Ceci est notre série de balados où l’on discute avec nos experts du travail qui se fait ici à Ressources naturelles Canada ou RNCan. Aujourd’hui, nous allons discuter de la recherche qui se fait dans le Grand Nord à bord de brise-glaces à la Garde côtière canadienne pour cartographier le fond de l’océan Arctique. Avant de commencer, j’aimerais souligner que le balado s’appelle Demandez à RNCan pour la simple raison que nous voulons recevoir vos questions. Le but de l’émission est de vous faire découvrir les activités scientifiques de notre ministère. Alors, à la fin de l’épisode, si vous avez des questions sur le sujet abordé aujourd’hui, vous êtes invité à nous en faire part sur Twitter avec le mot-clic #DemandezÀRNCan. C’est bon? Parfait, allons-y…

[Musique]

Mon invité aujourd’hui est Daniel Lebel de la Commission géologique du Canada. La Commission a pris part à plusieurs expéditions visant à collecter des données pour cartographier le fond de l’océan Arctique. Daniel, ça va bien?

Daniel Lebel

Oui, bonjour, ça me fait plaisir d’être ici aujourd’hui avec vous.

Joël

Est-ce que tu peux commencer par nous expliquer la raison pour laquelle on cartographie le fond de l’océan Arctique?

Daniel

Oui, bien sûr. Le Canada a ratifié la Loi sur les océans il y a plusieurs années. Et puis, la définition des limites extérieures du plateau continental du Canada au-delà des 200 milles marins dans l’océan Arctique, c’est prioritaire pour notre gouvernement pour pouvoir délimiter ces limites-là sous la Loi des océans. C’est un des éléments importants pour le Canada dans l’exercice de la souveraineté canadienne dans l’Arctique. Et puis, c’est un volet essentiel de la politique étrangère du Canada pour l’Arctique. C’est quelque chose où on a investi beaucoup d’efforts à travers les années pour réaliser cet objectif.

Joël

Je vois. C’est vraiment pour agrandir nos frontières, c’est ça?

Daniel

Tout à fait. La Loi des océans permet d’étendre les limites du pays dans le domaine océanique à partir de règles assez claires qui sont définies dans la Loi des océans. Il y a un article qui s’appelle l’article 76 qui exprime une série de paramètres très techniques pour ce faire et ceci se base sur la cartographie de l’élévation du fond marin, c’est-à-dire la profondeur. On appelle ça parfois la bathymétrie. Mais aussi de la géologie. Il faut comprendre ce qu’il y a sous la surface de l’océan pour pouvoir la rattacher au continent. C’est un élément critique et ça rend l’exercice assez complexe. Comme je pourrais vous le décrire.

Joël

Premièrement, pourquoi est-ce qu’on se concentre à cartographier l’océan Arctique plutôt que l’océan Pacifique et Atlantique?

Daniel

Bien, on a déjà fait l’exercice sur l’océan Atlantique. On a fait des levés pour la cartographie des fonds marins et pour le Pacifique, on n’a pas à le faire parce que selon ces paramètres très techniques, la configuration de la marge du Pacifique ne se prête pas pour un élargissement de notre zone économique. Donc, il n’y a pas eu d’efforts faits de cartographie de ce côté-là, puis il n’y en aura pas jusqu’à ce que quelqu’un tout d’un coup trouve une nouvelle raison, on ne sait jamais. Si jamais la Loi changeait ou quoi que ce soit, mais pour le moment ce n’était pas un des objectifs. L’Arctique, c’est une zone très vaste et un des océans qui a une grande marge continentale et sur cette marge-là, on peut étendre le plateau sous-marin.

Joël

Lorsqu’on fait des travaux scientifiques dans l’Arctique. J’imagine que l’expédition telle quelle est pas mal différente de ce qui se fait dans le Pacifique ou l’Atlantique, n’est-ce pas?

Daniel

Bien oui, tout à fait. Vous pouvez imaginer, malgré les changements climatiques, on s’imagine que ça sera peut-être plus facile. Mais non, il y a encore beaucoup de glace. Il y a une plateforme de glace qui s’étale sur des millions de kilomètres carrés. Et pour y aller, ça nous prend des brise-glaces, ça prend des efforts considérables pour se rendre dans cette région-là. Et le Canada a des brise-glaces, et on a eu besoin de les mettre de la partie pour pouvoir faire cette cartographie.

Joël

Lorsqu’on fait la cartographie, c’est quel genre de travail scientifique qui se fait sur des brise-glaces?

Daniel

Alors, il y a plusieurs éléments naturellement, il faut l’amener le brise-glace jusque-là. Alors on a dû travailler avec la Garde côtière de façon très étroite. On avait à traverser littéralement tout l’océan Arctique d’un côté à l’autre, et pour ce faire, il fallait y arriver à partir du côté de l’océan Atlantique et le traverser jusque dans la mer de Beaufort. Alors, ça a pris plusieurs exercices, on a aussi utilisé des méthodes séparées pour s’installer sur des îles de glace pour faire des levés. Alors, ça c’était des déploiements d’aéronefs, d’aller s’installer avec des camps sur la glace pour faire les levés qu’on avait à faire.

La nature des levés eux-mêmes étaient de plusieurs types. Pour connaître l’élévation du fond marin, il faut procéder avec des instruments de façon moderne. On utilise un instrument géophysique pour faire ça. Des échosondeurs. Vous êtes familier peut-être, on entend des échosondeurs, des sous-marins. Tout ça, c’est régulièrement utilisé pour naviguer. Il y a des instruments assez formidables maintenant qui permettent de mesurer des élévations du fond marin à quelques mètres près, à quelques centimètres près dépendant des profondeurs qu’on atteint jusqu’à des profondeurs de 11 000 mètres. Ça c’est littéralement les profondeurs les plus grandes qui existent sur la planète Terre à partir de la surface des océans.

Dans l’océan Arctique, ça se mesure à des profondeurs un peu moindres autour de 4000 mètres. Alors, pour pouvoir faire ces levés-là avec les brise-glaces, il fallait avoir des instruments qui étaient installés sur le brise-glace. La Garde côtière a fait un travail formidable pour installer un tel instrument sur le Louis St-Laurent et pour permettre de faire ce levé au niveau bathymétrique. On n’est plus dans l’ère où est ce qu’on prend une petite corde avec une ligne de plomb et on descend jusqu’au fond, ça fait une grande ligne d’ailleurs 4000 mètres. On est capable de le faire, mais on l’a fait avec des instruments géophysiques et là, il y a des quantités de données phénoménales qui reviennent à la surface, à partir de l’écho et on à la fois… ici on est au micro. Alors, il y a un émetteur et un récepteur. C’est la même chose en géophysique. Le son se propage, fait écho sur le fond marin, revient et ça nous dit à travers des instruments de réception exactement quelle est la profondeur. C’est un peu comme le radar pour les avions, mais là on parle d’un écho par le son parce que les autres méthodes géophysiques fonctionnent pas très bien. Ça c’est le premier exercice.

La deuxième façon, le deuxième élément qu’il faut bien étudier, c’est la nature des roches qui sont là. Parce qu’un des éléments techniques auxquels on doit répondre, c’est de savoir si les roches, la nature des roches qui sont au fond sont associées avec le continent auquel appartient le Canada. Alors l’océan Arctique, vous savez il y a cinq nations qui font tout le tour, c’est une grande zone. Alors, on partage des éléments qui traversent littéralement l’océan Arctique d’un bout à l’autre à partir de la marge du Canada.

On a des éléments comme la médiane alpha ou la ride de Lomonossov qui sont des élévations, c’est comme des chaînes de montagnes sous-marines qui vont du Canada jusqu’en Russie. Alors la question se pose : est-ce que c’est l’extension de la Russie ou c’est l’extension du Canada? Est-ce que ça s’arrête entre les deux? Alors, c’est ce genre d’argument là qu’on doit démontrer. Et puis, une autre question qui se pose, est-ce que c’est vraiment des montagnes qui sont affiliées au continent. On pense aux montagnes maintenant qui sont sur Terre. Vous savez, on a notre cordillère canadienne avec les montagnes Rocheuses. Imaginez ça, c’est submergé sous la mer. Bon, est-ce que c’est de cette nature-là tout d’un coup ils sont submergés ou bien est-ce que c’est des zones qui sont fondamentalement océaniques.

Il y a d’autres types de montagnes qui sont dans les océans. On en retrouve par exemple si on regarde une grande carte des fonds sous-marins, on va avoir une grande dorsale au milieu de l’océan Atlantique qui s’en va d’à peu près de l’Islande jusqu’en Antarctique. Ça c’est des roches fondamentalement de domaine océanique. Alors, si c’est des roches océaniques, on n’a pas le droit de l’utiliser pour étendre notre plateau continental. Mais si c’est des roches de nature continentales, oui on le peut.

Alors, tout l’exercice est assez compliqué. Vous pouvez imaginer ces dorsales-là ils sont jusqu’à deux mètres de profondeur. Ce n’est pas facile d’aller envoyer, on ne peut pas envoyer des gens facilement. Des Russes sont allés avec des petits sous-marins dans certains coins, mais on voit une vue très partielle de zones qui sont énormes.

Alors, on utilise d’autres instruments géophysiques pour faire ça. Alors on a utilisé des instruments sismiques. C’est un autre type d’instrument, c’est plus puissant, ça pénètre sous la surface et ça nous donne une belle image de ce qui a comme géométrie. Et puis, on a fait d’autres levés qui ont permis d’aller échantillonner des roches littéralement sur le fond marin. Les Danois nous ont donné un coup de main. Ils avaient une espèce de pelle, si on veut, pour aller recueillir des échantillons avec un grand fil de métal qui est accroché. On a descendu cette pelle-là jusqu’au fond et on est allé chercher des échantillons qu’on a ramenés en surface. C’était assez extraordinaire comme exercice mais très distinct des données sismiques. Vous imaginez le déploiement de technologies à partir de ces brise-glaces-là qui sont pas habituellement utilisés pour faire cette fin-là. Faire à la fois les levés sismiques et recueillir des échantillons sur les fonds marins pour pouvoir ensuite les dater, savoir quel âge ils ont, quelle est la nature de la roche, est-ce qu’ils ont plus d’affinités terrestres ou d’affinités océaniques. Et puis pouvoir arriver avec un verdict qui fera autorité avec la Commission des Nations Unies qui doit étudier les éléments de démonstration qu’on présente.

Joël

Alors on a amassé toutes ces informations-là, toutes ces données. C’est quoi vraiment qu’on a appris? Est-ce qu’on a assez de données et d’information pour revendiquer une extension d’un plateau continental dans l’Arctique?

Daniel

Oui, tout à fait. Ça a été un exercice vraiment remarquable, dans l’Arctique en particulier. Nous avons procédé en plusieurs phases. C’est levés-là qui ont été faits, ont recueilli des milliers de kilomètres de données sismiques. Je crois que j’ai calculé à un moment donné que c’est l’équivalent si on avait pris un brise-glace, imaginez-vous partir de Montréal avec le brise-glace et traverser le Canada jusqu’à Vancouver et revenir comme ça, faire l’aller-retour trois fois. Ça fait beaucoup de glace à briser, mais on a ramassé en ce faisant beaucoup de données que l’on a analysées. On a eu une équipe remarquable, vous savez. Moi, comme directeur général de la Commission géologique du Canada à Ressources naturelles Canada, j’étais vraiment très fier du travail que nos scientifiques ont fait. Ils ont non seulement recueilli des données, travaillé en étroite association avec la Garde côtière, entre ministères avec le ministère des Pêches et Océans qui avait le Service hydrographique du Canada qui a mené la charge avec nous, et le Service des affaires légales. On a tout mis ça ensemble et là maintenant on est prêt à aller aux Nations Unies avec une soumission qui va être vraiment très solide par rapport aux arguments que l’on doit tenir pour expliquer comment on peut étendre l’étendue du plateau continental polaire dans l’océan Arctique pour le Canada.

Joël

Parfait. Merci beaucoup, Daniel de nous avoir accordé cette entrevue.

Daniel

Très bien. Je te remercie.

Joël

On arrive à la fin de l’émission, mais ça ne veut pas dire que le sujet est fermé. On vous invite à poursuivre la conversation dans nos réseaux sociaux. Si vous avez des questions pour nos experts, ou des commentaires sur cet épisode, vous pouvez nous les adresser sur Twitter, accompagnés du mot-clic #DemandezÀRNCan.

Également, si vous souhaitez en apprendre davantage sur les activités scientifiques de Ressources naturelles Canada, nous vous encourageons à visiter notre cybermagazine La Science, tout simplement! Vous allez trouver une masse d’informations intéressantes, incluant les épisodes précédents de notre balado, des articles et des vidéos. La page spécifique à cette émission contient des liens électroniques à des ressources pertinentes pour en apprendre davantage sur le sujet discuté aujourd’hui. Vous pouvez accéder à La Science, tout simplement directement à partir de notre site Web à rncan.gc.ca, ou en effectuant une recherche sur Google.

Si vous nous écoutez sur Apple Podcast, Google Play, Stitcher ou SoundCloud, nous vous invitons à écrire un avis et à vous abonner à notre émission pour prendre connaissance des épisodes antérieurs et futurs.

Voilà qui conclut cet épisode de Demandez à RNCan. Merci de nous avoir écoutés aujourd’hui et revenez-nous au prochain épisode!

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