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Un citoyen scientifique repère un nouveau venu sur les ormes canadiens

Septembre 2020

Par Véronique Martel, Ph. D., chercheuse en entomologie forestière au Centre de foresterie des Laurentides du Service canadien des forêts de Ressources naturelles Canada

De nombreux sites de sciences communautaires sur le Web invitent les gens à publier des photos d’observations de la faune et de la flore. Un tel geste peut paraître anodin, mais durant l’été 2020, de telles observations ont permis la détection, pour la première fois en Amérique du Nord, d’un nouvel insecte exotique s’attaquant aux ormes : la tenthrède en zigzag de l’orme.

iNaturalist.ca qui a alerté la communauté scientifique

La publication originale d’Alain Hogue sur iNaturalist.ca qui a alerté la communauté scientifique.

En juillet dernier, le photographe de la nature, Alain Hogue, a observé une forme en zigzag dans une feuille d’orme, sur le bord d’une route au Québec. Il en a ensuite publié la photo sur le site Web iNaturalist. Il était loin de se douter que ce simple geste allait déclencher toute une cascade de courriels et de visites sur le terrain! Un expert américain a rapidement identifié la défoliation en zigzag comme ayant été causée par une tenthrède. De plus, par un courriel envoyé à un expert européen, la première identification provisoire de la tenthrède en zigzag a été effectuée.

CFS technician Simon Trudeau examines elm leaves for the elm zigzag sawfly

Simon Trudeau, technicien au SCF, examine des feuilles d’orme à la recherche de la tenthrède en zigzag.

Véronique Martel, research scientist and entomologist

Véronique Martel, chercheuse en entomologie forestière.

La nouvelle de ce parasite envahissant s’est rapidement répandue

S’en est suivi une série de courriels avisant différentes organisations, jusqu’à ce que l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), organisation responsable de la détection et de la règlementation encadrant les nouveaux organismes exotiques au pays, ainsi que le Service canadien des forêts (SCF), et plus précisément moi-même, Véronique Martel, chercheuse au Centre de foresterie des Laurentides à Québec, en soient avisées. Après quelques semaines et deux visites de scientifiques sur le terrain, la confirmation officielle de l’ACIA est tombée : la tenthrède en zigzag de l’orme est présente au Canada. Plusieurs autres observations de l’insecte ont depuis été rapportées au Québec, sur le site Web iNaturalist. En ces temps de pandémie, où le télétravail est la norme, la science citoyenne est plus précieuse que jamais!

Qu’est-ce que la tenthrède en zigzag de l’orme?

Une tenthrède en zigzag de l’orme adulte.

Une tenthrède en zigzag de l’orme adulte. Source: Danail Doychev (en anglais seulement).

Qui est donc ce nouveau venu? La tenthrède en zigzag de l’orme, Aproceros leucopoda, est un insecte hyménoptère, c’est-à-dire qu’il possède quatre ailes transparentes, et qui appartient au même groupe que les fourmis, les abeilles et les guêpes. Il s’attaque aux ormes et est présent naturellement en Asie. Cependant, depuis au moins 2003, il est également présent en Europe. Il n’est donc pas surprenant de le retrouver maintenant au Canada. Bien que la route d’introduction (par l’Europe ou par l’Asie?) ne soit pas pour le moment connue, mon collègue, le chercheur en physiologie et en biochimie des insectes, Michel Cusson, Ph. D., tentera de répondre prochainement à cette question par l’utilisation de techniques moléculaires.

Une feuille d’orme montrant la défoliation en zigzag et une petite larve qui se nourrit

Une feuille d’orme montrant la défoliation en zigzag et une petite larve qui se nourrit.

La tenthrède en zigzag de l’orme pond ses œufs sur le rebord des feuilles d’orme. La petite larve, à sa sortie de l’œuf, se nourrira de la feuille en formant un zigzag caractéristique entre deux nervures de la feuille. Alors qu’elle grandit, la larve cessera de se nourrir selon ce motif distinctif et pourra éventuellement défolier la feuille entière, ne laissant que la nervure centrale. Elle formera ensuite un cocon sous la feuille : ce cocon est facile à identifier, puisque son maillage est lâche et permet donc de voir l’insecte à l’intérieur. L’adulte sortira de ce cocon après quelques jours. Certains de ces cocons, un peu différents, sont appelés « cocons d’hiver ». En quoi sont-ils différents? Tout d’abord, ils sont tissés plus serré et sont plus solides, offrant une meilleure protection à l’insecte. Ensuite, on les retrouve au sol où ils passent l’hiver, sous le couvert de neige. L’adulte en sortira au printemps suivant, après la fonte des neiges et l’arrivée des températures plus clémentes.

Pourquoi tant de succès loin de chez elle?

La tenthrède en zigzag semble avoir beaucoup de succès dans son aire d’introduction. Ce grand succès s’explique par plusieurs facteurs. Tout d’abord, son cycle de vie est très rapide : le délai entre la ponte de l’œuf et la sortie de l’adulte est de moins d’un mois. Cela lui permet donc de faire plusieurs générations dans une année et, à chaque génération, il y a une augmentation des populations. Ensuite, les femelles n’ont pas besoin de s’accoupler pour pondre leurs œufs, un phénomène appelé parthénogenèse. Cela leur permet donc de pondre leurs œufs plus rapidement, sans avoir à trouver d’abord un partenaire sexuel. Finalement, l’adulte semble pouvoir parcourir de grandes distances par lui-même, sans aide de l’humain. Une étude européenne suggère que l’espèce peut se répartir à une vitesse d’environ 45 à 90 km par an (Blank et coll., 2014). Cela permet donc au front de dispersion de progresser assez rapidement dans un nouveau territoire.

Et maintenant?

Au fur et à mesure que la larve d’ Aproceros

Au fur et à mesure que la larve d’Aproceros leucopoda grandit et se développe, elle consomme la feuille entière à l’exception de la nervure médiane de la feuille. Source : Danail Doychev (en anglais seulement).

Nous ne savons pas encore depuis quand l’insecte est présent, ni comment il est arrivé ou comment il se comportera ici. Toutefois, une chose est sûre, mon équipe, en collaboration avec l’ACIA et différentes organisations ici et en Europe, s’est déjà attelée à cette tâche : bien que l’automne mette fin à la saison sur le terrain, l’équipe se prépare déjà pour la saison 2021 afin de déterminer son aire de répartition, sa saisonnalité, la présence éventuelle d’ennemis naturels et tout autre aspect pertinent de sa biologie. D’ici là, l’équipe de mon collègue, Michel Cusson, Ph. D. tentera de répondre à la question suivante : par où est-il arrivé?

Plus de détails suivront donc dans les prochaines années, qui nous permettront de mieux connaître la tenthrède en zigzag de l’orme, ce nouvel insecte exotique découvert durant l’été 2020 au Québec!

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