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Comment un moine, une scientifique et même une approche un peu cowboy ont inspiré un nouveau procédé d’extraction du lithium

Le Défi des femmes en tech propres a reconnu la technologie révolutionnaire d’une équipe de Calgary qui vise à rendre l’extraction du lithium plus durable. La compétition d’une durée de trois ans visant à soutenir les femmes entrepreneures en technologie était financée par Ressources naturelles Canada et lancée par le District de la découverte MaRS.

Février 2022

La course vers un avenir énergétique propre comporte de nombreuses embûches en cours de route. À titre d’exemple, on peut se demander si le processus même de tendre vers la carboneutralité entraînerait d’autres impacts environnementaux imprévus. C’est un casse-tête complexe comportant de nombreuses pièces mobiles que les scientifiques du monde entier tentent de résoudre.

Prenons le lithium, par exemple. La demande pour ce métal mou, blanc et lustré utilisé dans les batteries qui alimentent nos véhicules électriques, téléphones intelligents, tablettes, portables et autres appareils augmente de façon exponentielle. Cependant, son extraction et son traitement ne sont pas toujours des procédés propres et écologiques.

« La demande en lithium est décuplée avec la hausse de la demande en véhicules électriques », affirme Amanda Hall, une géophysicienne et chercheuse de laboratoire qui est maintenant dirigeante d’entreprise et chef de la direction de Summit Nanotech. « Nous devons prévoir une solution d’extraction durable. Autrement, si nous continuons d’utiliser les anciennes méthodes d’extraction, ce ne sera ni efficace ni intelligent. »

 
Sur l'épaule d'Amanda regardant une scène des montagnes Rocheuses. Elle porte une casquette blanche avec le texte : Women Cleantech Challenge

Amanda Hall : « Plus vite nous pourrons extraire le lithium de façon durable, mieux nous serons équipés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et aider à combattre les changements climatiques. »

Première étape : le pouvoir de l’observation

La quête d’Amanda pour rendre les pratiques d’extraction plus écologiques a commencé d’une façon plutôt inattendue. « J’étais dans une retraite dans un monastère tibétain au sommet d’une montagne. J’ai vu un moine sortir un téléphone cellulaire de son habit et je me suis demandé à quoi allait ressembler l’avenir », se remémore-t-elle. Elle a également remarqué la présence de nombreux véhicules électriques dans le village tibétain.  Elle s'est rendu compte Elle a été surprise de constater que les batteries au lithium-ion étaient si omniprésentes qu’on les retrouvait dans les régions les plus éloignées. « Si les batteries au lithium-ion sont utilisées dans les monastères, existe-t-il encore un endroit sur la planète où il n’y en a pas? »

Amanda avait trouvé sa vocation. « Un matin, je me suis réveillée et je me suis dit : “Voilà ce que je dois faire”, affirme-t-elle. Je ne pouvais pas ne pas le faire. J’ai donc quitté mon emploi, je me suis retrouvée sans salaire et je suis repartie à zéro. »

S’étant déjà bâti une solide carrière dans l’industrie pétrolière et gazière, elle s’est concentrée sur le lithium, sa provenance et son procédé d’extraction. Elle a mis sur pied une entreprise, Summit Nanotech, et s’est tournée vers une région du monde d’où provient la majeure partie du lithium de la planète : les déserts de sel de l’Amérique du Sud.

 
Photographie super large de salines pâles et d'un ciel bleu vif prise depuis le siège passager d'un véhicule.

La plus importante réserve de sel et de lithium au monde à 3 650 mètres au-dessus du niveau de la mer à Potosi, en Bolivie, Amérique du Sud. (Photo : iStock)

Il s’agit également de l’une des régions les plus sèches de la planète. Dans cette région du monde, l’extraction conventionnelle prend environ 18 mois du début à la fin. Il s’agit d’abord de pomper les eaux souterraines à la surface. La saumure est laissée dans des bassins d’évaporation pendant des mois avant de pouvoir en extraire le lithium. Cette méthode mobilise de ressources importantes puisqu’elle exige une grande quantité d’eau souterraine : des milliers de litres peuvent être nécessaires pour extraire suffisamment de lithium pour produire 100 batteries pour véhicules électriques. Cette inefficacité peut entraîner des répercussions sur la pression des eaux souterraines et sur les collectivités locales.

 
Texte à l'écran : Le lithium est extrait de différentes manières selon le type de formation géologique dans laquelle il se trouve. L'une des méthodes est l'extraction par saumure, qui est l'approche sur laquelle se concentre la technologie de Summit Nanotech.
 
Montage d'images en noir et blanc d'Amanda et de son équipe travaillant dans le laboratoire.

Amanda et son équipe a élaboré un nouveau matériau doté de trous minuscules parfaitement adaptés pour reconnaître les ions de lithium et les extraire de la saumure de façon sélective.

Rêver grand, penser nano

Se disant qu’il devait y avoir une méthode plus durable, Amanda s’est penchée sur le minuscule univers de la nanotechnologie, un domaine hautement spécialisé impliqué dans la conception et la production de matériaux et de structures à minuscule échelle. Il n’y a qu’à songer aux détails extraordinaires observés au microscope, et à pousser plus loin à une échelle nanométrique, voire infinitésimale. « Nous appelons cela la technologie de la reconnaissance moléculaire, soutient Amanda. Nous déplaçons, en fait, des atomes à une échelle nanométrique. »

Ainsi, son équipe a élaboré un nouveau matériau doté de trous minuscules parfaitement adaptés pour reconnaître les ions de lithium et les extraire de la saumure de façon sélective. Ces matériaux qui reconnaissent le lithium peuvent être formés en perles ou joints en une membrane plane. Lorsque les ions de lithium sont emmagasinés, les étapes suivantes consistent à les laver à l’eau et à purifier la solution.

« Cela permet de convertir le lithium en une poudre cristallisée sécuritaire à transporter chez un fabricant de batteries », affirme Amanda. Tout ce qui n’est pas du lithium est soit trop gros pour passer par les trous ou trop petit pour y rester emmagasiné. Ces éléments résiduels peuvent être éliminés de façon responsable.

Perturbation intentionnelle

Cette technologie révolutionnaire perturbe l’extraction conventionnelle du lithium par procédé électrochimique en Amérique du Sud en rendant possible la capture d’un lithium d’une grande pureté (LiOH, LiCl, and Li2CO3) à partir de la saumure brute très tôt dans le processus. Cela éliminerait le besoin de laisser la saumure dans de vastes bassins pour l’évaporation. « C’est l’un des aspects sur lequel nous travaillons le plus, dit-elle. La technologie de récupération de l’eau signifie que deux fois plus de lithium est extrait comparativement à la méthode conventionnelle. Maintenant, nous pouvons réduire l’utilisation d’eau à zéro. » En éliminant les étapes d’évaporation et en capturant un lithium d’une grande pureté dans le processus, le délai de livraison passe de 18 mois à un jour. Il réduit aussi considérablement l’utilisation des sols et permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

De surcroît, les avancées technologiques pourraient permettre des applications dans le secteur pétrolier et gazier. Cela pourrait également permettre de rendre l’extraction du lithium plus écologique aux deux extrémités du cycle de vie et contribuer à l’économie circulaire.
Cette nouvelle approche audacieuse a permis à juste titre à Amanda de devenir la toute première gagnante du Défi des femmes en tech propres, qui comptait cinq autres dirigeantes d’entreprise (voir ci-dessous). En plus de son côté scientifique extraordinaire, Amanda fait preuve d’un optimisme à toute épreuve. « Quand on la rencontre, on constate qu’elle a le regard brillant de quelqu’un à qui on dit que quelque chose est impossible ou n’a jamais été fait de cette façon auparavant », se souvient Jordan Elias, un scientifique des matériaux de CanmetÉNERGIE Devon qui a travaillé avec Amanda dans le cadre du Défi. « Sa réponse est toujours “Je vais me pencher sur le sujet et voir comment on peut y arriver”. C’est quelque chose qui la stimule, ce qui est fort encourageant. »

…. et un peu cowboy…

Cette approche est au cœur de l’entreprise d’Amanda, Summit Nanotech.

« Acharnement. Rien n’est impossible et nous cherchons sans cesse des solutions, affirme-t-elle. Ça ne va pas toujours avoir l’air de ce que vous croyiez, mais vous trouverez toujours une façon d’y parvenir. » À Calgary, certaines personnes conjuguent le mot cowboy. « Nous allons le cowboyer! Cela signifie simplement que nous allons le faire. Il faut aller à l’essentiel, retourner à la science fondamentale de base qui sous-tend ce que nous faisons. L’Alberta est l’endroit idéal pour cela puisque nous détenons une expérience en extraction et une expertise technique transférable vers un nouveau secteur. »

C’est le genre d’attitude qui mène à l’innovation. « Ils y trouvent leur compte alors que les autres entreprises ont encore du chemin à faire, affirme Jordan. À l’heure actuelle, il s’agit d’une industrie émergente à laquelle peu de promoteurs de projets participent au Canada pour l’instant. Ainsi, constater que quelqu’un d’ici nous entraîne dans cette voie est plutôt stimulant… Le prochain chapitre s’écrit pour l’Alberta. »

Cet hiver, une unité centrale de 12 mètres de hauteur et une équipe de 10 spécialistes sont en route vers l’Amérique du Sud avec Amanda pour la première phase de tests sur place. « Voir la technologie fonctionner sur place, à l’endroit prévu, c’est comme installer son enfant sur un vélo à deux roues et le pousser du haut d’une côte… “Bonne chance!”, dit-elle. Il faut faire confiance au processus. »

Le Défi des femmes en tech propres :

Le tout premier Défi des femmes en tech propres financé par RNCan et lancé par le District de la découverte MaRS, a soutenu six entrepreneures scientifiques de premier plan dans l’évolution de leurs projets technologiques sur une période de trois ans. Les finalistes ont reçu des conseils professionnels ainsi que du soutien technique et financier pour croître et réussir en tant qu’entrepreneures dans le domaine des technologies propres. Chaque finaliste a reçu jusqu’à 250 000 $ du gouvernement fédéral au soutien des laboratoires, ainsi qu’une allocation annuelle pour aider à compenser les frais de transport et d’hébergement, en plus de mesures de soutien aux entreprises et de services de conseil offerts par MaRS. La gagnante, Amanda Hall, a reçu un montant supplémentaire de 1 million de dollars pour poursuivre ses travaux.

Les cinq autres finalistes du Défi travaillent dans les domaines suivants : les embarcations autonomesles matériaux de nettoyageles nanofilmsl’hydrogène propre et le plastique fabriqué à partir de déchets alimentaires.

Pour de plus amples renseignements :

À découvrir :

Défi des femmes en tech propres
MaRS Cleantech (en anglais seulement)
Les minéraux et l’économie
Ressources naturelles Canada - CanmetÉNERGIE

À écouter :

Quel type de batterie trouve-t-on dans les véhicules électriques

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