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Vers l’adaptation : Études de cas en Colombie-Britannique

La vulnérabilité et la capacité d'adaptation au changement climatique des collectivités de la Colombie-Britannique sont le produit de processus sociaux et de conditions environnementales ainsi que, plus particuli èrement, de l'interaction s'opérant aux échelles locale et régionale (Dolan et Walker, 2007). Les principaux facteurs qui influent sur la capacit é d'adaptation en Colombie-Britannique sont les suivants :

  • La grande dépendance à l'égard des ressources naturelles, en particulier du secteur forestier, expose les collectivit és de la Colombie-Britannique aux changements touchant l'environnement et le marché, et à la combinaison de stress d'ordre climatique et non climatique (O'Brien et Leichenko, 2000).
  • Les structures de gouvernance, qui déterminent comment les gens peuvent utiliser les écosystèmes et y avoir accès, établissent un équilibre entre les usages sociaux et économiques des ressources. Parmi les structures existantes, peu tiennent explicitement compte des répercussions du changement climatique, et encore moins ont déjà mis en œuvre des changements de politiques spécifiques à l'adaptation.
  • La diversité des valeurs socioculturelles et les intérêts socio-économiques concurrents sous-tendent les débats sur la façon de mieux planifier et protéger les ressources et l'environnement. Le changement climatique rend la recherche d'un compromis efficace plus compliquée et les résultats, plus difficiles à prévoir.

Les études de cas présentées dans cette section mettent en lumière comment ces facteurs et d'autres aspects d'une collectivité, d'une région ou d'une activité économique agissent sur leur capacité de s'adapter au changement climatique. Pour s'adapter, en règle générale, les collectivités ont besoin de réseaux sociaux, de services, de structures de gouvernance, d'infrastructures et d'activités économiques résilientes en mesure de résister à divers changements d'ordre environnemental et socioéconomique (p. ex., Dolan et Walker, 2007; Young, 2006b; Ommer, 2007; Page et al., 2007; Enns et al., sous presse). La capacité d'adaptation peut être améliorée, ou limitée, par la nature et la structure des relations décisionnelles et des politiques de planification. Une participation accrue des int éressés au paysage sociopolitique de la Colombie-Britannique, à l'échelle tant locale que régionale (Hoberg, 1996; Seely et al., 2004), a favorisé l'intégration des valeurs et des intérêts locaux au processus de planification de l'utilisation des terres. Par exemple, le conflit sur les pratiques de récolte dans les forêts anciennes à la fin des années 1990 (Standbury, 2000; Cashore, 2001) a permis d'élaborer le processus multipartite de planification de la gestion des terres et des ressources (Land and Resource Management Planning; BC Ministry of Agriculture and Lands, 1993), processus spécifiquement adopté à l'échelle locale et régionale. Ce dernier a assez bien réussi à concilier des positions opposées et à régler des différends concernant les terres et les ressources (Frame et al., 2004), bien qu'on n'ait pas encore ajusté son mandat pour inclure les impacts possibles du changement climatique ni les questions ayant trait à l'adaptation (Hagerman et Dowlatabadi, 2006).

L'efficacité de la gouvernance, sur le plan local et à des niveaux plus élevés, est un autre facteur qui agit sur la capacité d'adaptation. À l'échelle locale, la planification communautaire est un mécanisme clé qui permet aux intervenants de la Colombie-Britannique de tenir compte et d'intégrer les effets du changement climatique. La planification est orientée par la Loi sur les municipalités (BC Municipal Act) et par d'autres mesures politiques, dont les plans communautaires officiels (Official Community Plans), le zonage local, les codes du bâtiment et les réserves de terres agricoles provinciales. Pour l'instant, peu de procédures, politiques et organismes de prise de décision tiennent explicitement compte des répercussions possibles du changement climatique. Les districts de planification régionale, les districts de gestion des eaux et autres « districts d'amélioration » sont des instances intermédiaires en Colombie-Britannique qui joueront un rôle de premier plan lorsqu'il s'agira de se préparer à certains des impacts prévus du changement climatique et de les gérer (Jakob et al., 2003), par exemple pour l'approvisionnement en eau et la gestion des eaux pluviales (voir la section 4.4; Burton et al., 2005).

L'efficacité de la gouvernance, sur le plan local et à des niveaux plus élevés, est un autre facteur qui agit sur la capacité d'adaptation. À l'échelle locale, la planification communautaire est un mécanisme clé qui permet aux intervenants de la Colombie-Britannique de tenir compte et d'intégrer les effets du changement climatique. La planification est orientée par la Loi sur les municipalités (BC Municipal Act) et par d'autres mesures politiques, dont les plans communautaires officiels (Official Community Plans), le zonage local, les codes du b âtiment et les réserves de terres agricoles provinciales. Pour l'instant, peu de procédures, politiques et organismes de prise de décision tiennent explicitement compte des répercussions possibles du changement climatique. Les districts de planification régionale, les districts de gestion des eaux et autres « districts d'amélioration » sont des instances intermédiaires en Colombie-Britannique qui joueront un rôle de premier plan lorsqu'il s'agira de se préparer à certains des impacts prévus du changement climatique et de les gérer (Jakob et al., 2003), par exemple pour l'approvisionnement en eau et la gestion des eaux pluviales (voir la section 4.2.2; BC Ministry of Forests and Range, 2006). Le ministère responsable des services communautaires, qui subventionne des projets d'infrastructure au sein de la communauté, tient maintenant compte de plus en plus du changement climatique lorsqu'il examine des propositions soumises par les instances locales (B. Kangasniemi, BC Ministry of Environment, communication personnelle, 2007).

Enfin, il existe des différences frappantes entre les collectivités rurales et urbaines de la Colombie-Britannique en termes de politiques locales, de croissance, de questions de planification et d'attitudes sociales. Les répercussions du changement climatique et les questions d'adaptation doivent être considérées comme des préoccupations locales pertinentes dans le cadre des responsabilités communautaires de gestion du risque et de planification. Des problèmes comme la gestion de l'eau dans le bassin de l'Okanagan, l'élévation du niveau de la mer dans les collectivités côtières et les ravages du dendroctone du pin ponderosa dans les collectivités forestières de l'intérieur de la Colombie-Britannique servent à montrer comment la province subit les répercussions du changement climatique et comment elle compte s'engager sur la voie de l'adaptation. Bien qu'il soit relativement rare qu'on tienne explicitement compte du changement climatique, ces études de cas offrent des perspectives sur les étapes entreprises en vue de s'adapter à divers stress sociaux, économiques et environnementaux.

4.1 COLLECTIVITÉS CÔTIÈRES : VULNÉRABILITÉS ET ADAPTATION À L'ÉLÉVATION DU NIVEAU DE LA MER

Le changement climatique a divers impacts sur les collectivités côtières de la Colombie-Britannique : l'effet graduel de l'élévation accélérée du niveau de la mer et les répercussions plus immédiates de phénomènes extrêmes, notamment une augmentation des inondations dues aux ondes de tempête, l'accélération de l'érosion des côtes, la contamination des aquifères côtiers et autres changements écologiques. Ces phénomènes biophysiques risquent d'entraîner des pertes de terrain, des dommages aux infrastructures côtières, des modifications des ressources côtières et une perturbation des valeurs sociales, culturelles et économiques qui les accompagnent (Klein et Nicholls, 1999). Les répercussions du changement climatique ne sont pas, et ne seront pas, également réparties entre les collectivités côtières, qui se distinguent les unes des autres par des niveaux différents d'exposition et de vulnérabilité (Clark et al., 1998; Dolan et Walker, 2007). En outre, les phènoménes se superposent à des problèmes d'ordre non climatique, dont les revendications territoriales des Premières nations, le déclin ou l'effondrement d'importantes industries axées sur les ressources naturelles, la restructuration économique et la perte ou la réduction des services gouvernementaux et de soutien social (Ommer, 2007; Sydneysmith et al., 2007).

Une évaluation pancanadienne des répercussions de l'élévation du niveau de la mer (Shaw et al., 1998) définit la sensibilité des côtes comme étant le degré à partir duquel l'élévation du niveau de la mer déclenchera ou accélérera des modifications physiques de la côte. La plupart des côtes de la Colombie-Britannique étant escarpées et rocheuses, leur sensibilité est faible à modérée, à l'exception de la côte nord-est de l'île Graham, de Haïda Gwaii (îles de la Reine-Charlotte) et de la région du banc Roberts-delta du Fraser, dans le District régional du Grand Vancouver. Ces régions figurent parmi celles du Canada dont les littoraux sont les plus sensibles au changement climatique. Toutefois, cette analyse de la sensibilité ne détermine pas complètement la vulnérabilité au changement climatique, puisqu'elle ne fait pas intervenir la capacité d'adaptation (voir Luitzen et al., 1992; Smit et al., 2001); cette dernière est déterminée par le cadre socioéconomique (accès aux ressources économiques, capital politique et social, et politiques de planification côtière) et par l'expérience régionale des dangers environnementaux et des perturbations socioéconomiques (Dolan et Walker, 2007). Les deux cas présentés ci-dessous concernent des collectivités qui doivent faire face à des répercussions physiques semblables, mais dans des cadres socioéconomiques très différents. Ces études traitent de leurs principales vulnérabilités, de leur capacité d'adaptation et des étapes entreprises vers l'adaptation.

4.1.1 Nord-est de l'île Graham, Haïda Gwaii (îles de la Reine-Charlotte)

L'île Graham est l'île la plus grande et la plus septentrionale de l'archipel de la Reine-Charlotte (Haïda Gwaii). Le niveau relatif de la mer s'y élève présentement à raison de 1,6 mm par an et les niveaux annuels extrêmes de la mer atteignent 3,4 mm (Abeysirigunawardena et Walker, sous presse). Les rives du nord-est de l'île Graham sont surtout composées de dunes, très sujettes à l'érosion, et de loess. Cette caractéristique, combinée à de hautes marées, à un fort régime de vagues, à de fréquentes ondes de tempête et à des vents violents, crée un littoral très dynamique dont les plages changent sans cesse (Walker et Barrie, 2006). Les tendances du niveau de l'eau et de l'érosion côtière sont fortement influencées par l'ENSO et le PDO (voir la  section 2.1; Storlazzi et al., 2000; Dingler et Reiss, 2001; Allan et Komar, 2002). Lors de l'épisode El Niño de 1997-1998, le niveau de la mer a monté de 0,4 m et entraîné une érosion locale de 12 m le long de cette côte (Barrie et Conway, 2002). Les niveaux d'eau extrêmes ont beaucoup monté depuis que le PDO est entré dans une phase positive en 1976 (Abeysirigunawardena et Walker, sous presse).

Le changement climatique n'est qu'un des nombreux stress qui agissent sur les collectivités d'Haïda Gwaii. Le secteur forestier local a connu une grande instabilité des marchés internationaux du bois d'œuvre, une augmentation des coûts d'accès et des changements dans la technologie, la gestion et la protection des forêts qui ont entraîné un ralentissement des activités de transformation et une baisse de l'emploi sur l'île. Dans le secteur local de la pêche, on a assisté à une modification des populations de saumon, de hareng et de palourde, et à une diminution des privilèges de pêche. En outre, la fermeture de la base des Forces canadiennes de Masset a provoqué le départ de centaines de personnes, entraînant d'autres pertes d'emploi et une restructuration socio-économique.

Capacité d'adaptatio

Dolan et Walker (2007) ont présenté un cadre intégré de recherche environnementale et humaine en vue d'évaluer les risques liés au changement climatique et les vulnérabilités des collectivités du nord-est de l'île Graham à cet égard. D'autres recherches menées par Walker et al. (2007) ont tenté d'évaluer les tendances du changement climatique, ses répercussions et la sensibilité des collectivités à ce phénomène (Walker et Barrie, 2007; Walker et al., 2007; Abeysirigunawardena et Walker, sous presse). Elles ont aussi tenté d'évaluer la situation socioculturelle au moyen d'une « méthode participative » mise au point par Conner (2005) et faisant appel aux connaissances, aux perceptions et aux exp ériences locales afin de définir les attributs de la capacité d'adaptation et de découvrir les principales vulnérabilités. Les résultats de cette dernière évaluation démontrent qu'il existe de nombreux attributs susceptibles de renforcer la capacité d'adaptation (voir le tableau 9), comme la richesse, qui peuvent ne pas être immédiatement rendus par les attributs typiques de la vulnérabilité (voir le tableau 9). À Haïda Gwaii, une forte dépendance historique des emplois à l'égard des ressources naturelles, un revenu familial inférieur à la moyenne, un taux de chômage élevé et l'instabilité du revenu semblent indiquer une grande vulnérabilité et une faible capacité d'adaptation. Toutefois, au niveau des ménages, la résilience socioéconomique est accrue par la diversification du revenu (emplois multiples, art et artisanat, tourisme) et par la cueillette et la mise en r éserve d'aliments. Tout donne à penser que la capacité d'adaptation aux risques du changement climatique est plus grande qu'on ne pourrait le déduire à partir des seules statistiques sur le revenu et le niveau d'emploi.

TABLEAU 9 : Attributs locaux de la vulnérabilité et de la capacité d'adaptation aux répercussions du changement climatique à Haïda Gwaii (extrait modifié tiré de Walker et al., 2007).
Facteurs qui contribuent à la vulnérabilitéNote de bas de page 1 Facteurs qui contribuent à la capacité d'adaptationNote de bas de page 2
  • Isolement géographique
  • Exposition élevée aux dangers de la variabilité climatique et de l'élévation du niveau de la mer
  • Grand attachement à Haïda Gwaii
  • Communion avec la nature
  • Mentalité pionnière
  • Expérience antérieure de changements et dangers environnementaux
  • Faible niveau de scolarité (voir Holman et Nicol, 2001)
  • Haut niveau d'éducation acquis au quotidien, connaissances locales, connaissances écologiques traditionnelles
  • Culture Haïda et redécouverte de cette culture
  • Compétences diverses (chasse, cueillette, etc.)
  • Services essentiels restreints (soins de santé, services sociaux, éducation)
  • Répercussions sur la santé des descendants (alcoolisme, mauvais traitements, apathie)
  • Forte cohésion communautaire et réseaux de soutien (p. ex., liens familiaux, groupes bénévoles)
  • Augmentation du bénévolat et de l'engagement au niveau local pour la prestation de services essentiels (p. ex., abris pour femmes, programmes de santé communautaire)
  • Méconnaissance des plans d'urgence
  • Protocoles d'évacuation en place mis à l'essai
  • Augmentation de la communication entre les collectivités
  • Pannes d'électricité fréquentes
  • Pénuries alimentaires à court terme
  • Grande capacité de faire face aux pannes d'électricité
  • Chasse et cueillette sur place
  • Conservation et stockage des aliments
  • Taux élevé de chômage
  • Dépendance vis-à-vis d'un secteur de ressources naturelles instable
  • Faible stabilité économique à long terme
  • Emplois saisonniers (pêche/cueillette de crabes, champignons, tourisme/voyages organisés)
  • Résilience accrue face aux difficultés économiques
  • Élaboration en cours de plans intégrés de gestion de l'utilisation des sols qui tiennent compte de la vision Haïda et des valeurs des résidents
  • Tensions politiques fédérales, régionales et locales
  • Participation locale croissante et influence des Haïda dans le processus décisionnel
 

L'accès à la technologie, à l'information et aux compétences, aux infrastructures et aux services essentiels est un autre facteur à caractère communautaire de la capacité d'adaptation (Goklany, 1995; Barnett, 2001). La plupart des infrastructures et des services de transport essentiels d'Haïda Gwaii sont très vulnérables aux dommages causés par les tempêtes sur la côte. Les pannes d'électricité, les interruptions du service de traversier et aérien, les pénuries à court terme d'articles d'épicerie et de fournitures, les fermetures occasionnelles des grandes routes ainsi que les dommages caus és par le vent ne sont pas rares. Haïda Gwaiia bénéficie de la plupart des services de communication, y compris l'Internet à haute vitesse et les services de téléphone cellulaire. La télévision locale, les dépliants et les journaux locaux véhiculent les messages communautaires. L'île a élaboré un plan d'évacuation en cas de tsunami, qui est cependant peu connu malgré les protocoles établis et les essais. La reconnaissance du besoin de s'adapter, la connaissance des options offertes, la capacité de les évaluer et l'aptitude à mettre en œuvre les options les plus appropriées dépendent toutes de la disponibilité de renseignements crédibles et de compétences appropriées (Fankhauser et Tol, 1997).

La perception du risque, la sensibilisation et la préparation sont également des attributs de la capacité d'adaptation (Burton et al., 1978; Barnett, 2001; Smit et al., 2001; Dolan et Walker, 2006). La perception du risque dépend des connaissances et de l'expérience passée des mêmes dangers, de sorte que d'une plus grande expérience et de plus grandes connaissances découle une plus grande sensibilisation (Hutton et Haque, 2004; Degg et Homan, 2005).

Même si le niveau de scolarité est généralement bas à Haïda Gwaii, un haut niveau d'éducation acquis au quotidien, une connaissance locale et traditionnelle du milieu et des compétences diversifiées adaptées au milieu (p.ex., chasse, cueillette, expérience des randonnées en arrière-pays) font que les gens sont plus conscients des risques et mieux préparés à faire face aux dangers naturels. Toutefois, bon nombre de résidents n'associent pas de risque au changement climatique à plus long terme comme tel, comparativement aux risques associés à des phénomènes extrêmes comme les tempêtes, l'érosion des côtes ou un tsunami.

Le capital social, soit les relations, les réseaux et les infrastructures qui soutiennent la transmission du savoir et des comp étences concernant des valeurs, des objectifs et une action collective communs (Coleman, 1988; Tobin, 1999), est un autre élément clé important de la capacité d'adaptation. Les collectivités qui jouissent d'un grand capital social peuvent faire face plus efficacement aux dangers et aux répercussions du changement climatique (Buckland et Rahman, 1999). À Haïda Gwaii, la grande cohésion au sein de la collectivité, les nombreux réseaux de soutien, l'activisme communautaire et la participation accrue dans les services communautaires sont des indications que cette collectivité jouit d'un bon capital social.

Les institutions et la gouvernance agissent également sur la capacité d'adaptation. Des conflits de longue date entre les groupes communautaires et les paliers de gouvernement à propos de la foresterie et de la pêche, de la prestation de services et de l'intervention locale dans la prise de décisions ont créé un climat socio-politique complexe à Haïda Gwaii. Les longues négociations entre les groupes communautaires, la nation Haïda et le gouvernement de la Colombie-Britannique n'ont pas encore débouché sur un plan de gestion des ressources terrestres (Land Resource Management Plan) pour Ha ïda Gwaii (Haida Gwaii-Queen Charlotte Islands Land Use Planning Process Team, 2006). Il sera imp ératif de disposer d'un tel plan pour orienter le processus de planification à Haïda Gwaii; cependant, des questions liées au changement climatique, comme les marges de reculement sur les côtes et les limites imposées aux projets de mise en valeur des côtes soumises à l'érosion, ne figurent pas dans le rapport des recommandations actuellement en place.

Répercussions et adaptation

Les répercussions prévues du changement climatique sont, entre autres, l'augmentation de l'érosion des côtes, des dommages et des inondations attribuables aux ondes de tempête et de la fréquence des perturbations des services essentiels de transport, la perte probable de sections côtières de la route 16, la hausse des coûts d'entretien des infrastructures, une modification des habitats côtiers et de l'abondance des espèces (crabe, palourde), qui aura une incidence sur la pêche tant commerciale que sportive, et des modifications de la forme et de l'écologie de la flèche Rose, une réserve écologique et un site religieux des Haïdas.

Certaines mesures d'adaptation proposées par Walker et al. (2007) mettent en valeur les avantages que présentent les collectivités ainsi que leurs vulnérabilités particulières. La planification de l'adaptation s'impose si l'on veut réduire le degré de vulnérabilité des infrastructures essentielles exposées, dont les routes côtières, les édifices et les aéroports situés en terrain bas, les lignes de transmission de l'électricité et des communications, de même que les services essentiels. Les premières interventions possibles sont entre autres de continuer à protéger les portions côtières vulnérables de la route 16 et d'améliorer les chemins forestiers en place afin de pouvoir disposer d'une autre route à l'intérieur des terres au besoin. Il reste à envisager des marges de reculement sur les côtes et un changement de zonage le long des côtes sujettes à l'érosion et aux inondations. Des projets de mise en valeur et de renouvellement économiques dans les secteurs du tourisme, des arts, de la culture et de la gestion des ressources continueront d'être des sources de diversification de l'économie locale et contribueront donc ainsi à l'amélioration de la résilience de la collectivité. La consolidation des forces culturelles, socio-économiques et politiques actuelles améliorera également la capacité générale d'adaptation des collectivités d'Haïda Gwaii à un changement climatique à plus long terme.

4.1.2 Banc Roberts, District régional du Grand Vancouver

Les platins du banc Roberts sont situés du côté du delta du Fraser qui fait face au large et en bordure de la corporation de Delta et de la r éserve de la Première nation Tsawwassen. La corporation de Delta est une collectivité mixte urbaine et rurale qui fait partie du District régional du Grand Vancouver. Delta et la réserve Tsawwassen sont protégées des débordements du fleuve ou des ondes de tempête par des digues qui longent le fleuve et le rivage. Les platins constituent un important habitat pour les oiseaux et les poissons, et des milliers d'oiseaux aquatiques et de rivage ainsi que des mouettes les fréquentent (Vermeer et al., 1994). D'immenses herbiers de zostère marine (Zostera marina) constituent un important habitat de fraye pour le hareng du Pacifique et nourrissent les saumoneaux quinnat et coho (Levings et Goda, 1991).

L'évaluation des répercussions de l'élévation du niveau de la mer et des tempêtes sur les platins du banc Roberts implique des interactions et des valeurs complexes chez les parties int éressées (Hill et al., 2004). Deux importantes chaussées traversent la partie sud du banc Roberts : une structure de l'administration portuaire de Vancouver (Vancouver Port Authority) qui donne accès au terminal maritime de Delta Port et une structure qui dessert une importante gare maritime de la BC Ferries Corporation. Ces deux chaussées ont été construites dans les années 1950 sans qu'on ait vraiment consulté la collectivité, entraînant ainsi un mécontentement de même que des tensions qui perdurent. Des entrevues avec les intéressés ont permis de déterminer les principaux enjeux et positions en matière de gestion des terres et des ressources sur le banc Roberts. Ces renseignements ont servi à concevoir un atelier de discussion sur les problèmes possibles liés au changement climatique, atelier au sein duquel on a su faire abstraction des différends du passé. Parmi les principales préoccupations qui y ont été soulevées, on compte l'intégrité des infrastructures (digues, chaussées et installations portuaires), l'augmentation du risque d'inondation, la perte d'eau douce aux fins d'irrigation en été et la perte d'habitats du poisson et des oiseaux.

Répercussions et adaptation

Le tableau 10 résume les principales répercussions biophysiques de l'élévation du niveau de la mer sur le platin (Hill, sous presse). On prévoit que l'élévation relative nette du niveau de la mer au banc Roberts pourrait atteindre 0,23 à 1,02 m d'ici à 2100, d'après les projections du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (2001), l'élévation du niveau marin à l'échelle planétaire, le taux passé d'élévation relative du niveau de la mer selon les données marégraphiques et les nouvelles données sur la subsidence du sol; dans la région de Delta, cette dernière contribue en effet à cette élévation relative pour 0,2 à 0,3 m (Mazzotti et al., 2006).

TABLEAU 10: Résumé des répercussions biophysiques de l'élévation relative du niveau de la mer sur le banc Roberts (tiré de Hill, sous presse).
Elément Effet Impact Niveau de confiance
Élévation planétaire du niveau de la mer 0,08 m à 0,88 m d'ici à 2100 (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, 2001)   Élevé
Subsidence des terres 2 à 3 mm/an dans le delta du Fraser   Élevé
Niveau relatif net de la mer Valeurs médianes pour une subsidence de 2 mm/an :
2030: 0.17 m
2050: 0.27 m
2100: 0.62 m
  Élevé
Fréquence du débordement du fleuve Les périodes de récurrence des inondations diminueront en raison de l'élévation du niveau de base de la mer, ce qui augmentera le risque Négatif Élevé
Marais Érosion des marais due à la constriction des côtes et à l'augmentation de l'attaque des vagues; atténuée par l'accrétion naturelle des marais jusqu'à un taux seuil Négatif
  • Modéré relativement au stress que subiront les marais
  • Confiance faible à modérée qu'il n'y aura pas beaucoup de changements d'ici à 2050
  • Confiance faible à modérée que la dégradation des marais s'accélérera après 2050
Vasière Réduction prévue de 45 p.100 à 63 p. 100 dans la région due à la constriction des côtes; atténuée par une certaine sédimentation dans la zone du marais actuel; peut être aggravée par l'augmentation des tempêtes et de l'action des vagues Négatif Faible
Zostère Le fort taux d'expansion actuel semble indiquer que la zostère migrera vers les terres à mesure que la profondeur de l'eau changera Aucun Modéré à élevé
Biofilm La superficie diminuera probablement avec la réduction de la vasière; l'augmentation de l'énergie des vagues pourrait rendre les sédiments plus grossiers et en réduire la production Négatif Faible
Prédation par les oiseaux de rivage Augmentera probablement en raison de la migration vers les terres des aires d'alimentation optimales, jusque sur le territoire des rapaces prédateurs (Butler, 1999). Négatif Faible

Les platins se caractérisent par diverses zones écologiques abritant des habitats distincts. Ces zones tendent à migrer vers l'intérieur des terres en réaction à l'élévation du niveau de la mer. Toutefois, la présence de digues prévient la migration naturelle du littoral consécutive à l'élévation du niveau de la mer, ce qui a pour effet de contraindre ces zones contre les digues (Clague et Bornhold, 1980; Hughes, 2004). À mesure que le niveau de la mer monte, les vagues, pour le moment ralenties par le frottement sur les hauts-fonds du delta, prendront plus de force et transporteront donc plus de s édiments, accentuant ainsi le danger d'érosion des marais. Une augmentation de la fréquence des violentes tempêtes amplifiera considérablement ce phénomène. Bien que des incertitudes persistent quant à l'accrétion des marais et aux taux futurs de transport des sédiments, on s'attend à ce que la superficie de vasières diminue beaucoup au cours du prochain siècle. Ces changements auront probablement des répercussions défavorables sur certains peuplements d'oiseaux (Hill, sous presse), car les marais et les vasières sont des habitats essentiels pour l'alimentation d'oiseaux migrateurs, comme le bécasseau d'Alaska (Elner et al., 2005). L'élévation du niveau de la mer et le stress lié à la mise en valeur du territoire favoriseront probablement la propagation des herbiers de zostère marine, jusqu'à ce qu'ils constituent un habitat qui convienne aux poissons et aux espèces d'oiseaux qui s'en nourrissent, comme le héron.

L'étude du banc Roberts (Hill, sous presse) a eu pour résultat immédiat, comme le disait le maire de la corporation de Delta, de faire du changement climatique et de ses r épercussions sur Delta une priorité pour les trois prochaines années. Un sondage mené auprès de représentants municipaux, dont des scientifiques, des urbanistes et des ingénieurs, a révélé qu'on se préoccupe beaucoup des impacts du changement climatique, en particulier en ce qui concerne la protection des infrastructures essentielles et du milieu naturel contre l'élévation du niveau de la mer et les ondes de tempête. À Delta, on tient maintenant compte des répercussions de l'élévation du niveau marin dans la réévaluation de la conception de digues, ainsi qu'aux fins d'élaboration d'un plan de gestion de l'adaptation pour le projet d'expansion de DeltaPort. Un ensemble préliminaire d'indicateurs des impacts du changement climatique (Gregory et al., 2006), comprenant des indicateurs biophysiques (p. ex., érosion du littoral, sédimentation), écologiques (p. ex., zones d'habitat essentiel), socioéconomiques (p. ex., revenu agricole), d'infrastructure (p. ex., intégrité des digues) et culturels (p. ex., zones d'utilisations traditionnelles du territoire), fournira les éléments de base utiles au processus de planification de l'adaptation dans l'avenir.

4.1.3 Résumé et leçons apprises

L'étude d'Haïda Gwaii a mis en lumière des caractéristiques propres aux collectivités côtières éloignées qui font face au changement climatique et à l'élévation du niveau de la mer. Les résultats de cette étude révèlent que :

  • Nombre de collectivités éloignées et de leurs résidents possèdent des attributs socioculturels et socioéconomiques de resilience susceptibles d'accroître leur capacité d'adaptation aux risques découlant du changement climatique dans un milieu par ailleurs exposé.
  • Les réactions de la collectivité aux changements sociaux, culturels et économiques du passé sont des indications clés des éléments de capacité d'adaptation dont cette dernière dispose pour faire face au changement climatique (p. ex., capital social, cohésion sociale au sein de la collectivité).
  • Malgré les résiliences intrinsèques des collectivités, la capacité d'adaptation aux impacts à long terme est menacée par : 1) l'exposition directe à l'élévation du niveau de la mer et aux tempêtes côtières; 2) la dépendance à l'égard d'infrastructures essentielles vulnérables et de services essentiels limités; 3) les limites des ressources économiques disponibles pour faire face à des répercussions continuelles et croissantes; 4) les lacunes en matière de plans d'aménagement du territoire qui ne tiennent généralement pas compte du changement climatique.

Pour la situation complexe et urbanisée que représente l'étude du banc Roberts, les résultats ont révélé que :

  • Le processus d'intervention des parties intéressées doit être conçu de manière à apaiser les conflits préexistants et permettre de cibler les discussions sur les questions de changement climatique.
  • Il faudrait adopter une démarche de type analytique-délibérative, c'est-à-dire un processus selon lequel une analyse technique éclairerait les discussions engagées en vue de permettre une meilleure compréhension des risques à l'échelle planétaire (Committee on Protection and Management of Pacific Northwest Anadromous Salmanoids, 1996); le tout devrait fournir un m écanisme grâce auquel les intervenants seraient en mesure de faire leurs premiers pas vers l'adaptation. Cette procédure, de nature itérative, permettrait aux experts techniques et aux parties intéressées d'en arriver à une compréhension commune des principales vulnérabilités et options d'adaptation.
  • Dans les milieux côtiers touchés par de nombreuses interventions humaines, le changement climatique se superpose à toute une gamme d'autres changements biophysiques. C'est pourquoi il faudrait évaluer les répercussions du changement climatique dans le cadre d'un ensemble plus large d'impacts environnementaux cumulatifs se manifestant à un endroit donné.

Certains résultats de ces études s'appliquent également à d'autres collectivités côtières canadiennes, entre autres :

  • Le changement climatique n'est qu'un des nombreux risques, changements et défis auxquels sont confrontées les collectivités côtières, ce qui constitue une raison de plus de vouloir comprendre comment ces collectivit és ont réagi dans le passé (p. ex., restructuration sociale et économique, mesures visant l'aménagement et les infrastructures) afin de pouvoir planifier en prévision des changements à venir. Les interventions dans la zone côtière bénéficient de l'évaluation des répercussions cumulatives et de la planification en matière de gestion intégrée de la zone côtière. Les questions de compétence et les conflits du passé peuvent représenter des obstacles importants à la mise en œuvre d'une telle planification.
  • La participation communautaire est essentielle pour obtenir, à l'échelle régionale, des résultats pertinents à la planification de l'adaptation. Il faut prévoir des horizons raisonnables de cinq à dix ans pour bien impliquer les intervenants de la collectivité et mettre en œuvre des mesures d'adaptation réalisables.
  • L'horizon temporel nécessaire pour faire une planification communautaire qui tienne compte du changement climatique est long, comparativement à la plupart des processus de planification communautaire de la Colombie-Britannique. L'élévation du niveau de la mer sera d'abord lente, mais risque d'aller en s'accélérant avec le temps. Les risques associés au changement climatique (p. ex., érosion, contamination des eaux souterraines, inondations dues aux tempêtes, augmentation des coûts de transport et des infrastructures) sont insidieux et pourraient se manifester sporadiquement. Par cons équent, les collectivités doivent procéder à une analyse du risque plus complexe et faire face à un degré d'incertitude plus élevé lorsqu'elles s'engagent dans un processus de planification de l'utilisation des sols et des infrastructures. En outre, le processus d'adaptation évolue avec le temps, allant des toutes premières interventions et de la surveillance des indicateurs clés jusqu'à des stratégies de planification à plus long terme.

4.2 CENTRE ET NORD DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE : LES COLLECTIVITÉS FORESTIÈRES ET LE DENDROCTONE DU PIN PONDEROSA

Les collectivités et le paysage du centre et du nord de la Colombie-Britannique illustrent parfaitement le rôle historique du secteur forestier dans le développement de la province. La rencontre subite des anciennes pratiques de gestion forestière avec les conditions climatiques actuelles offrent un exemple frappant des répercussions de l'évolution du climat au Canada. La présente étude de cas se penche sur les causes et les conséquences de la prolifération actuelle du dendroctone du pin ponderosa, sur la façon qu'une collectivité qui dépend de l'exploitation des forêts s'interroge quant à sa propre vulnérabilité et, à l'occasion de la mise en place récente d'un projet du ministère provincial des Forêts et des Pâturages, sur la décision de ce dernier d'adopter une démarche proactive qui intègre les impacts du changement climatique et l'adaptation à ce dernier dans le processus de gestion et de planification à long terme des ressources forestières.

4.2.1 Le dendroctone du pin ponderosa

Le dendroctone du pin ponderosa (DPP) est un insecte indigène que l'on retrouve du nord du Mexique au centre de la Colombie-Britannique. Il se nourrit des tissus succulents situ és sous l'écorce de la plupart des espèces de pin qui peuplent son habitat (Furniss et Schenk, 1969). Bien que le DPP soit habituellement inoffensif, il arrive que des explosions de ses populations tuent des millions d'arbres sur de grandes superficies (Taylor et al., 2006).

Il y a eu plusieurs proliférations de DPP en Colombie-Britannique, au XXe siècle; cependant, la superficie touchée par la plus récente est près de dix fois supérieure à toutes les précédentes. En 2007, des infestations de DPP ont ravagé plus de 9,2 millions d'hectares de forêts de pin (BC Ministry of Forests and Range, 2006). Deux grandes conditions doivent être réunies pour qu'une prolifération se déclenche. Premièrement, il doit y avoir une abondance de gros pins matures. La suppression des incendies et des facteurs historiques ont fait en sorte que la Colombie-Britannique comptait trois fois plus de pins matures au d ébut de l'infestation actuelle qu'il y a 100 ans (Taylor et Carroll, 2004). Deuxièmement, plusieurs années de conditions météorologiques favorables à la survie du dendroctone doivent se succéder, soit des étés chauds pour sa reproduction et des hivers doux qui permettent à la génération suivante de survivre (Safranyik et Carroll, 2006). Au cours des dernières décennies, le climat du centre de la Colombie-Britannique a été très propice à la survie de l'insecte, particulièrement en raison de l'absence de longues périodes froides en hiver (Carroll et al., 2004). Cette situation a fait que l'on assiste aujourd'hui à la plus importante prolifération de dendroctone du pin ponderosa de son histoire.

FIGURE 10

FIGURE 10 : Gauche : Répartitions passées des habitats de la Colombie-Britannique dont le climat convient au dendroctone du pin ponderosa (DPP; extrait modifié tiré de Carroll et al., 2004). Les regions à aptitude « très basse » ne conviennent pas au DPP tandis que les régions à aptitude « très élevée » présentent des conditions climatiques optimales pour cet insecte. Droite : Superficie totale touchée en 2006 par la prolifération du dendroctone du pin ponderosa en Colombie-Britannique (Ressources naturelles Canada, 2007).

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En plus de l'ampleur sans précédent de la prolifération, l'insecte s'est propagé dans des habitats qui, auparavant, ne lui convenaient pas, en particulier vers le nord et l'est (Carroll et al., 2004). Sa répartition actuelle n'est pas restreinte par l'accès à des arbres hôtes convenables, car les forêts de pin s'étendent vers le nord, jusque dans le Yukon et les Territoires-du-Nord-Ouest, et vers l'est, jusque dans la forêt boréale. Le potentiel de dispersion du dendroctone vers le nord et l'est a plutôt été limité par le climat (Safranyik et al., 1975). Les modèles révèlent que des conditions climatiques favorables au DPP se sont récemment installées sur de grandes parties de l'Ouest canadien (voir la Figure 10), phénomène qui fait croître de plus de 75 p.100 la superficie de l'habitat aux conditions climatiques optimales (Carroll et al., 2004). Les scénarios de changement climatique décrits par Flato et al. (2000) semblent indiquer que les conditions favorables à la propagation du DPP vers l'est, dans l'Alberta, et vers le nord, dans la forêt boréale, vont se poursuivre.

Le taux sans précédent de mortalité des arbres lié à la prolifération en cours a des répercussions importantes sur l'hydrologie forestière (voir la figure 11; H élie et al., 2005). L'infestation actuelle et prévue du DPP en Colombie-Britannique tuera probablement assez d'arbres pour entraîner l'accroissement du taux d'exposition des sols aux précipitations et mènera à une augmentation de l'épaisseur du couvert nival ainsi qu'a la fonte précoce de la neige, ce qui aggraverait le risque d'inondation. De telles modifications du cycle hydrologique pourraient expliquer les changements observ és dans l'apport d'eau annuel, le débit de pointe et l'augmentation des débits de base et des débits minimaux dans les bassins touchés par le DPP (voir Cheng, 1989; Forest Practices Board of BC, 2007). Plus récemment, d'autres régions de la Colombie-Britannique ont signalé l'élévation du niveau des nappes phréatiques (p. ex., Vanderhoof Forest District) dans des régions touchées par la prolifération (BC Ministry of Forests, 2005). La ville de Prince George craint également une augmentation du risque d'inondation dans les parties basses de la ville en raison de la hausse prévue des niveaux d'eau de la rivière Nechako et du Fraser, en particulier pendant le ruissellement printanier (Dyer, 2006).

FIGURE 11

FIGURE 11 : Cycle hydrologique forestier (extrait modifié tiré de Hélie et al., 2005).

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L'ampleur des répercussions hydrologiques d'une prolifération de DPP dépend de son étendue et de son emplacement au sein du bassin concerné, de même que de la géographie de ce dernier. Alors que ces répercussions s'atténueront à mesure que les régions touchées récupéreront, les débits pourraient rester élevés, quoique de moins en moins, pendant quelque 60 à 70 ans (Troendle et Nankervis, 2000). Certaines données semblent indiquer que la récolte des arbres infectés pourrait accélérer le moment où aurait lieu le rétablissement de l'hydrologie, comparativement à un scénario de la pire éventualité où la régénération se ferait de façon naturelle (Dobson Engineering Ltd, 2004). Une meilleure compréhension des répercussions du DPP et des activités de récolte connexes sur l'hydrologie des bassins versants forestiers en Colombie-Britannique est nécessaire afin d'aider à déterminer les taux appropriés d'intervention requis et de guider le choix en matière de mesures d'adaptation d'envergure plus vaste.

 

4.2.2 Vulnérabilité des collectivités forestières

Les implications des changements subis par les ressources forestières pour les résidents de Vanderhoof et de ses alentours dans le centre-nord de la Colombie-Britannique présentent un exemple des difficultés que pourraient connaître les quelque 110 collectivités de la Colombie-Britannique qui dépendent du secteur forestier. Ces collectivités sont aux prises avec les mêmes répercussions générales du changement climatique que les autres collectivités de la Colombie-Britannique, mais aussi avec d'autres facteurs qui augmentent encore plus leur vulnérabilité. Premièrement, leur dépendance économique vis-à-vis de l'extraction et de la transformation des ressources forestières fait que l'économie locale est très sensible aux changements survenant dans la disponibilité des ressources en raison du climat (Davidson et al., 2003). Cette exposition économique est amplifiée par le fait que le changement climatique pourrait provoquer une augmentation relative de l'approvisionnement en bois d'œuvre et produits forestiers provenant d'autres pays, de telle façon que l'industrie forestière de la Colombie-Britannique devra faire face à une concurrence plus intense (Perez-Garcia et al., 2002; Sohngen et Sedjo, 2005). Deuxièmement, de nombreuses collectivités forestières sont relativement petites et éloignées, ont une économie non diversifiée et une main d'œuvre spécialisée, ce qui limite leur capacité de s'adapter au changement climatique. Troisièmement, comme on s'attend à ce que le nombre et l'intensité des feux de friche augmentent à la suite du changement climatique (Flannigan et al., 2005), les collectivités forestières seront confrontées à un plus grand risque de perte de propriété, d'évacuation et de détérioration de la qualité de l'air consécutives aux incendies de forêt (Davidson et al., 2003). Quatrièmement, les investissements dans l'aménagement forestier et les installations de transformation de grande envergure des produits forestiers sont des investissements à long terme qu'il est difficile d'annuler. Les décideurs en cette matière doivent composer avec de longues périodes d'investissement, un niveau de risque dynamique et un degré d'incertitude croissant sans cesse en fonction de la longueur des périodes de prévision (Davidson et al., 2003). Cette situation rappelle l'importance de la gestion du risque dans le secteur forestier et les collectivités forestières en tant que mesure d'adaptation au changement climatique (Ohlson et al., 2005).

Vanderhoof compte 4 400 habitants et de forts liens économiques et sociaux avec le territoire forestier environnant. Le secteur forestier constitue environ 63 p.100 de la base économique de la collectivité. L'effet le plus immédiat du changement climatique sur Vanderhoof est l'infestation de dendroctone du pin ponderosa qui a, et qui continuera d'avoir, des répercussions importantes sur ses ressources et sur la fabrication locale de produits forestiers. Avant la flamb ée de DPP, le district forestier de Vanderhoof bénéficiait d'un taux de récolte autorisé d'environ deux millions de mètres cubes par année, alors que la cible annuelle actuelle est de 6,5 millions de mètres cubes (Pederson, 2004). Cette augmentation vise à récupérer les arbres tués par le DPP. Une fois que le dendroctone aura disparu (c'est-à-dire dans une dizaine d'années), le taux d'exploitation annuel devrait se situer à entre 1,25 et 1,75 million de mètres cubes (Pederson, 2004). L'économie de Vanderhoof connaîtra donc d'importantes fluctuations sur une courte période de temps. Le défi que Vanderhoof aura à relever sera de gérer cette transition en faisant en sorte que les réductions du capital naturel causées par le dendroctone soient compensées par des augmentations dans d'autres formes de capital utilisable (capital de fabrication humaine, nouvelle for êt ou autres utilisations des sols) afin de maintenir la viabilité économique à long terme de la région (voir Pezzy, 1989; Solow, 1991).

FIGURE 12

FIGURE 12 : Couvert forestier simulé (établi au moyen d'IBIS, un modèle de végétation planétaire dynamique) dans la zone d'étude de Vanderhoof, en Colombie-Britannique, en fonction du climat actuel et de celui du début du prochain siècle, selon deux scénarios climatiques (Source : D. Price, Ressources naturelles Canada). La région à l'étude mesure environ 200 km sur 200 km, le dirstrict de Vanderhoof étant sis au centre. Chaque maille de la grille simulée par le modèle IBIS mesure 10 km sur 10 km.

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Les résidents de Vanderhoof sont également très attachés, sur les plans culturel et psychologique, au paysage forestier environnant et s'inquiètent énormément des répercussions à long terme des changements environnementaux sur la collectivité et les générations à venir (Frenkel, 2005). Le Service canadien des forêts tente présentement de mettre au point des méthodes pour simuler les effets à long terme du changement climatique sur les forêts à une échelle plus pertinente pour ces collectivités. Ces méthodes ont été appliquées à une zone d'étude de 40 000 km2 autour de Vanderhoof afin de simuler, à l'aide de deux scénarios climatiques différents, la répartition future des types de couverts forestiers en 2100 (voir le tableau 11 et la figure 12). Les deux simulations révèlent des changements importants dans la composition des forêts et fournissent des indications d'ordre général sur les changements qui pourraient survenir au cours des 100 prochaines années. Les répercussions à long terme du changement climatique en termes de nature et d'ampleur des effets sur l'écosystème forestier ne sont pas nécessairement catastrophiques. Même si la composition de la forêt se modifie, le couvert forestier continuera d'exister, quel que soit le scénario climatique pris en considération.

TABLEAU 11 : Superficie approximative de chaque type de vegetation simulée, en pourcentage de la superficie totale de la zone d'étude Vanderhoof, en Colombie-Britannique (Source : D. Price, Ressources naturelles Canada).
Type de végétation ou de forêt Actuellement (vers 2000) HadCM3-B2 (vers 2100) CSIRO2-A2 (vers 2100)
Résineux de région tempérée 46 24 6
Feuillus de région tempérée <1 0 10
Résineux de forêt boréale 54 75 26
Feuillus de forêt boréale 0 0 14
Forêt mixte de région tempérée <1 1 33
Forêt boréale mixte 0 0 11
Conifères et prairie 0 <1 0

L'étude de cas de Vanderhoof souligne qu'il faut disposer d'informations sur l'ampleur et le choix du moment des répercussions à une échelle pertinente à l'endroit en question pour faciliter l'évaluation de l'adaptation. L'expérience de Vanderhoof révèle également que l'objectif de gérer de façon durable une ressource unique peut être difficile à atteindre à l'échelle de la collectivité. En fait, la réduction d'une forme de capital, dans le cas présent, la forêt, pourrait devoir être compensée par l'augmentation d'autres formes de capital, comme la conversion d'un territoire en terres agricoles ou l'investissement dans de nouvelles industries.

4.2.3 Équipe de travail sur le changement climatique et Initiative des écosystèmes forestiers de l'avenir de la Colombie-Britannique

Le changement climatique jouera un rôle de premier plan dans la forme que prendront la composition et l'utilisation des forêts en Colombie-Britannique. Conscient de ce fait, le ministère provincial des Forêts et des Pâturages a élaboré deux projets interreliés pour examiner l'état futur potentiel des écosystèmes forestiers et déterminer comment il faudra réagir en matière de gestion. Ces initiatives considèrent le changement climatique comme une influence importante, tout autant que la concurrence des autres pays et les nouvelles relations de travail entre les gouvernements et les Premi ères nations, pour l'avenir des forêts, du secteur forestier et des collectivités forestières de la Colombie-Britannique. Elles témoignent d'un effort de passer de l'étude des répercussions à la mise en œuvre des mesures d'adaptation.

À l'automne 2005, le Ministère a mis sur pied une équipe de travail sur le changement climatique qui a pour tâche de revoir les répercussions possibles du changement climatique sur les ressources provinciales en mati ère de forêts et de pâturages, de détecter les lacunes sur le plan des connaissances et d'élaborer des recommandations sur la façon dont le Ministère devrait réagir. Les recommandations de l'équipe ont été publiées dans un rapport intitulé Preparing for Climate Change: Adapting to Impacts on British Columbia's Forest and Range Resources (BC Ministry of Forests and Range, 2006). L'Initiative des écosystèmes forestiers de l'avenir (Future Forest Ecosystems Initiative, ou FFEI), lancée en décembre 2005, a réuni des représentants d'universités et des gouvernements (provincial et fédéral), des Premières nations, du secteur forestier et d'organisations environnementales pour un colloque-atelier de deux jours.

Le Ministère a procédé à de nombreuses consultations en s'appuyant sur les rapports de l'équipe de travail et de la FFEI. Il a amalgamé les recommandations des rapports et les résultats des consultations dans le but de pouvoir adapter le cadre de gestion des for êts de la Colombie-Britannique à l'évolution du climat. On y parviendra en comprenant mieux les processus écologiques et les risques qui menacent les écosystèmes forestiers, et en faisant connaître les façons d'adapter le cadre de gestion des forêts à un milieu en évolution. On élabore actuellement des stratégies en ce sens. Il s'écoulera certes quelques années avant la mise en œuvre des interventions d'adaptation, mais la consultation, le renforcement des capacités et les évaluations de la vulnérabilité sont les premières étapes de cette démarche d'adaptation.

4.3 SINTÉRIEUR SUD : RÉGIONS DE L'OKANAGAN ET DU BASSIN DU COLUMBIA

L'intérieur sud de la Colombie-Britannique comprend la région de l'Okanagan et le bassin supérieur du Columbia, qui alimentent tous deux le système inférieur du Columbia. La principale difficulté d'adaptation au climat de ces deux régions réside dans le besoin de gérer les ressources en eau pour des usages multiples et souvent concurrents. L'Okanagan connaît une croissance rapide de la population et de l'agriculture sous irrigation, alors que la région du Columbia occupe une position unique en raison de son importance pour la production d'hydroélectricité pour la Colombie-Britannique et pour le Traité du fleuve Columbia, conclu avec les États-Unis. Les deux régions sont également aux prises avec des problèmes de gestion et de conservation des ressources halieutiques. La discussion ci-dessous refl ète le fait que l'Okanagan a fait l'objet de beaucoup plus d'études.

4.3.1 Questions relatives aux ressources hydriques

Les réseaux d'approvisionnement en eau de l'Okanagan subissent déjà le stress exercé par une croissance démographique rapide et par des modifications de l'utilisation des sols (Cohen et al., 2004, 2006). Les récentes sécheresses de 2001 et 2003 sont des exemples de phénomènes extrêmes à court terme qui ont eu une influence sur l'approvisionnement et la demande en eau, et sur les perceptions du risque dans la région. La sécheresse de 2003 a provoqué des conflits locaux à propos de l'utilisation de l'eau (Moorhouse, 2003) et mené à la mise en place de mesures de conservation tant d'urgence qu'à plus long terme (Johnson, 2004). Ces sécheresses ont fait prendre davantage conscience du problème de la sensibilité au climat et peut-être même de la vulnérabilité au changement climatique. Conjugués à la croissance démographique prévue, aux préoccupations relatives aux écosystèmes aquatiques et aux pêches, et aux tendances à long terme du développement régional, les répercussions du changement climatique à venir viennent s'ajouter aux questions sur lesquelles les planificateurs et les gestionnaires des eaux de cette région devront se pencher.

FIGURE 13

FIGURE 13 : Scénarios hydrologiques du ruisseau Whiteman, en Colombie-Britannique, établis à partir de trois modèles climatiques (MCCG2, CSIROMk2 et HadCM3) et du scénario d'émissions A2 (Merritt et al., 2006).

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La diversité des points de vue quant aux répercussions du changement climatique a constitué le point de départ d'un dialogue sur la façon dont la région pourrait s'adapter au changement climatique (Cohen et al., 2000). Des recherches ont décrit les répercussions possibles sur l'hydrologie et la gestion des eaux du réseau du Columbia, dont d'éventuels compromis entre la gestion à des fins de production d'hydroélectricité et le maintien de débits minimums pour les pêches (Payne et al., 2004). Dans l'Okanagan, les études de cas sur l'hydrologie et la demande en eau aux fins d'irrigation (Cohen et Kulkarni, 2001; Neilsen et al., 2001) ont été suivies par des travaux de collaboration qui comprenaient des évaluations du bilan hydrique de la région, y compris de la demande du secteur agricole et du secteur résidentiel (Neilsen et al., 2004a, b), de même que des expériences d'adaptation, un examen préliminaire des coûts associés aux options d'adaptation et un dialogue sur leur mise en œuvre potentielle.

Des scénarios de changement climatique basés sur deux scénarios d'émissions (A2 et B2) et trois modèles climatiques ont servi à générer des scénarios hydrologiques pour divers sous-bassins du bassin de l'Okanagan correspondant à trois périodes de temps, soit les années 2020, 2050 et 2080 (Merritt et al., 2006). Tous les résultats révèlent un avancement de la période de pointe de la fonte des neiges au printemps, accompagné d'une réduction du débit en été et d'une augmentation en hiver, quoique la forme de cette période de pointe varie considérablement (voir les figures 13 and 14). Les hydrogrammes issus de ces scénarios se sont révélés un outil important de transposition des répercussions du changement climatique en termes qui s'avèrent significatifs et tangibles pour les gestionnaires responsables de la prise de d écision à l'échelle régionale.

 
FIGURE 14

FIGURE 14 : Réactions hydrologiques prévues du volume du debit au ruisseau Vaseaux, dans le bassin de l'Okanagan, en Colombie-Britannique, établies à partir de trois modèles climatiques et de deux scénarios d'émissions (A2 et B2; Merritt et al., 2006).

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Les scénarios hydrologiques du bassin de l'Okanagan sont dans l'ensemble semblables à ceux du Columbia. L'accumulation maximale annuelle de neige serait atteinte quatre semaines plus tôt d'ici les années 2080. Le débit de pointe du printemps surviendrait 15 à 40 jours plus tôt d'ici les années 2050, et 20 à 70 jours plus tôt d'ici les années 2080. Une accumulation annuelle de neige plus faible, et atteinte plus tôt, aurait un impact important sur le bassin du Columbia du fait du rôle critique qu'elle joue dans le maintien de la régularité de la production d'hydroélectricité (Columbia Mountain Institute for Applied Ecology, 2003). La variation de l'apport annuel des eaux de surface irait d'une diminution modeste à des réductions extrêmes d'environ 65 p.100 d'ici les années 2080 (Merritt et al., 2006). En même temps, on prévoit une augmentation de la demande en eau des secteurs agricole et résidentiel, contribuant ainsi au risque croissant de pénuries d'eau. La demande en eau pour les cultures durant les années 2080 pourrait augmenter de 60 p.100 en raison de l'allongement et du réchauffement de la saison de croissance, mais des facteurs comme l'utilisation des sols et la fertilisation par le dioxyde de carbone influeront sur cette évaluation (Neilsen et al., 2004a, 2006). Une comparaison entre l'approvisionnement en eau dans le lac Okanagan et la demande prévue pour les cultures révèle que le rapport global de la demande à l'approvisionnement augmenterait d'environ 25 p.100 à 50 p.100 (voir la figure 15).

 
FIGURE 15

FIGURE 15 : Projected changes in Okanagan Lake inflows and crop-water demand (Neilsen et al., 2004a).

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La croissance démographique prévue et l'allongement de la saison de croissance pourraient entraîner une importante augmentation de la demande du secteur résidentiel. L'étude de cas d'Oliver, en Colombie-Britannique, révèle que la demande pourrait tripler d'ici les années 2080. La mise en œuvre d'un portefeuille de mesures axées sur la demande pourrait ralentir l'augmentation prévue (voir la figure 16), ce qui donnerait le temps à la collectivité de prévoir des moyens d'augmenter l'approvisionnement en eau (Neale et al., 2006). Sans mesures spécifiques de gestion de la demande pour les secteurs agricole et résidentiel et pour les écosystèmes aquatiques, dans le cadre d'un portefeuille élargi de mesures d'adaptation, la demande annuelle totale dépassera les apports annuels disponibles du bassin de l'Okanagan vers la fin du présent siècle (Langsdale et al., 2006).

FIGURE 16

FIGURE 16 : Changements projetés de la consommation résidentielle à Oliver, en Colombie-Britannique, dus à la croissance démographique et au changement climatique, et application présumée de mesures d'adaptation axées sur la demande (Neale et al., 2006).

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Adaptation

Dans le bassin de l'Okanagan, on a souvent eu à adapter les réseaux d'aqueduc pour faire face à de nouveaux problèmes ou tirer avantage de nouvelles possibilités; au nombre des exemples, on compte la régionalisation des réseaux de distribution de l'eau à Vernon et l'installation de compteurs dans le district d'irrigation du sud-est de Kelowna (Southeast Kelowna Irrigation District, ou SEKID) et dans la ville de Kelowna. Dans le cas du SEKID, le facteur ayant déclenché l'intervention a été le climat sec de 1987. On a eu recours à divers moyens pour en arriver à des décisions, parfois à l'aide de mesures incitatives provinciales ou sous l'influence du stress exercé par le milieu ou l'évolution des coûts. Jusqu'à présent, les cas du SEKID et de Kelowna semblent révéler que les mesures sont parvenues à faire baisser la demande en eau, mais il est encore trop tôt pour évaluer les résultats de la régionalisation de la distribution d'eau à Vernon (Shepherd et al., 2006).

En termes d'adaptation au changement climatique à venir, il existe un grand éventail de solutions de coûts variables (Hrasko et McNeill, 2006), compte tenu du fait que d'autres facteurs que le coût agiront sur la prise de décision (Tansey et Langsdale, 2004). Par exemple, les participants au dialogue d'Oliver se sont dits intéressés à exploiter davantage les eaux souterraines et ont convenu qu'il fallait utiliser l'eau plus efficacement. Toutefois, ils s'inquiétaient qu'une plus grande efficacité de l'utilisation de l'eau par le secteur agricole puisse mener à une perte de droits relatifs à l'eau en faveur des usagers du secteur résidentiel et accélérer la croissance démographique. À Westbank, qui fait partie de l'unité de planification dite « Trepanier Landscape Unit » (TLU), une région à croissance démographique rapide, les participants au dialogue se sont dits intéressés à augmenter l'approvisionnement en pompant l'eau du lac Okanagan et en améliorant l'efficacité par la détection des fuites et d'autres mesures.

Un atelier à l'échelle du bassin, tenu à Kelowna, se voulait plus stratégique. On a appuyé l'intégration, à l'échelle du bassin, de la planification des terres et des eaux, et une structure de gouvernance à cet effet. Certains se sont dits inquiets du manque de sensibilisation perçu dans le public quant aux problèmes des ressources hydriques d'ordre régional et ont soulevé le besoin d'informer davantage le public. Un résultat important de cette approche participative aux recherches sur les répercussions du changement climatique et sur l'adaptation a été la prise en considération explicite du changement climatique dans le plan de gestion des eaux de la TLU (Summit Environmental, 2004).

4.3.2 L'agriculture

Les cultures du bassin de l'Okanagan dépendent entièrement de l'irrigation, et l'agriculture utilise donc 75 p.100 de l'eau consommée. Présentement, on y trouve surtout des cultures de vivaces (arbres fruitiers et raisin de cuve à fort rapport économique, pâturages et plantes fourragères) et une petite superficie de cultures annuelles (maïs d'ensilage, légumes) croissant dans des microclimats qui leur conviennent. La production économique de cultures très lucratives exige de pouvoir disposer de l'eau au moment opportun afin d'assurer la qualité du produit et de protéger l'investissement que représentent les plants d'espèces vivaces. On a recours à des déficits hydriques planifiés pour améliorer les attributs de qualité de certaines cultures, notamment le raisin de cuve (Dry et al., 2001), tout en conservant l'eau. C'est pourquoi les limites de la disponibilité de l'eau d'irrigation et l'adaptation à cette situation dans le climat actuel et à venir sont des questions importantes pour le secteur de l'agriculture en Colombie-Britannique.

Même si ce sont les changements du climat moyen qui détermineront, à la longue, quelles productions seront viables dans une région, les phénomènes climatiques extrêmes posent un plus grand défi d'adaptation (Groupe d'experts intergouvernmental sur l'évolution du climat, 2001). Pour l'agriculture de l'Okanagan, le plus grand risque est la manifestation et l'augmentation de la fréquence des sécheresses, de même que la pénurie d'eau qui les accompagne et met en péril les cultures sous irrigation.

Des modèles de la demande en eau élaborés à l'aide des scénarios de changement climatique de trois MCG et de deux scénarios d'émissions laissent tous prévoir pour le bassin de l'Okanagan une augmentation de la demande en eau de l'ordre de 12 p.100 à 20 p.100 dans les années 2020, de 24 p.100 à 38 p.100 dans les années 2050 et de 40 p.100 à 61 p.100 dans les années 2080 (Neilsen et al., 2006), ce qui correspond à l'augmentation de la demande en période de pointe et à l'allongement de la saison de croissance (30 p.100 à 35 p.100 d'ici 2100 pour toutes les cultures). L'augmentation de l'évapotranspiration est le facteur le plus important de la croissance de la demande en eau pour les cultures. Dans une étude de cas d'un sous-bassin (ruisseau Trout), où la demande en eau provient surtout du secteur agricole, la fréquence à laquelle la demande en eau modélisée pour les cultures dépassait le seuil de stockage d'un barrage augmentait au cours du siècle dans tous les scénarios de changement climatique (Neilsen et al., 2006). Compte tenu de l'augmentation de la fréquence des sécheresses liée au changement climatique, il est clair que les infrastructures en place, typiques d'un grand nombre des réservoirs de stockage des terres hautes de la région, seront incapables de répondre à la demande dans les années de climat extrême.

Vulnérabilité des producteurs

FIGURE 17

FIGURE 17 : Risques qui caractérisent les mauvaises années économiques, tels que déterminés par les pomiculteurs et les viticulteurs de la vallée de l'Okanagan, en Colombie-Britannique (Belliveau et al., 2006a, b).

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Deux études de la vulnérabilité des pomiculteurs et des viticulteurs au climat et aux autres risques ont été menées séparément dans la vallée de l'Okanagan (Belliveau et al., 2006a, b) à l'aide de la méthodologie élaborée par Ford et Smit (2004). On a posé aux producteurs une série structurée de questions pour les amener à caractériser les bonnes et les mauvaises années, et à indiquer les stratégies de gestion qu'ils ont utilisées en conséquence. Tous les facteurs ayant eu une incidence sur la production et le rendement ont été soulevés, sauf le changement et la variabilité du climat qui, eux, n'ont été mentionnés qu'à la fin du sondage.

Les pomiculteurs et les viticulteurs ont mentionné des risques différents, même si leurs exploitations sont situées aux mêmes endroits. Les producteurs de raisin s'inquiètent surtout des risques d'ordre météorologique (voir la figure 17), inquiétude que l'examen des données météorologiques et de production à long terme confirme d'ailleurs (voir le tableau 12; Caprio and Quamme, 2002). Pour leur part, les pomiculteurs ont également mentionné les risques météorologiques comme un facteur important lorsqu'il s'agissait de déterminer si une année avait été bonne ou mauvaise, mais c'est le prix du marché qui se retrouvait au premier plan de leurs préoccupations (voir la Figure 17). La combinaison d'une baisse des prix du marché et d'une récolte de moins bonne qualité en raison du mauvais temps était considérée par eux comme le pire des scénarios. Comme dans le cas des viticulteurs, ce sont les dommages dus au froid et à la dessiccation en hiver, et les températures élevées en été, de même que la grêle, qui sont leurs principales préoccupations d'ordre climatique.

TABLEAU 12 : Principaux facteurs climatiques déterminant l'aptitude de la Colombie-Britannique à soutenir un système de culture de plantes ligneuses vivaces (selon Caprio et Quamme, 2002).
Stade phénologique Facteur phytologique Impact du climat Pomme Cerise Abricot/
Pêche
Raisin
Année en cours
Dormance Rigueur de l'hiver Nuisible Nuisible < –7°C à < –29°C de nov. à févr < –13°C à < –24°C de nov. à févr < –13°C à < –24°C de nov. à févr < –6°C à < –23°C de nov. à févr
De-acclimation Nuisible > 5°C en janv     > 9°C de nov. à déc
Protection des racines Avantageux   Chute de neige Chute de neige Chute de neige en janvier
Floraison Dommages par le gel de printemps Nuisible < 5°C < –2°C < –2°C  
Pollinisation/croissance du tube pollinique Hors de la plage thermique optimale Nuisible > 28°C le jour;
< 10°C la nuit
     
  Avantageux > 21°C le jour;
> 11°C la nuit
> 16°C > 16°C  
Division et expansion des cellules du fruit Hors de la plage thermique optimale Nuisible > 33°C en août > 33°C à > 37°C C à la récolte > 31°C C à la récolte > 32°C de juil. au début d'août (véraison1)
Craquelures des cerises/maladies/réduction de la photosynthèse Nuisible   Pluie juste avant et durant la récolte   Pluie en tout temps (maladie)
  Avantageux > 17°C à la récolte     > 26°C durant la saison entière
Saison précédente
Apparition du bourgeon Hors de la plage thermique optimale Nuisible > 30°C en juin     > 32°C
  Avantageux       > 26°C (autre qu'à la mi-juil)
Développement du bourgeon Hors de la plage thermique optimale Nuisible > 26°C en août   > 27°C en août  
Réduction de la photosynthèse, maladie Nuisible   Précipitations Précipitations  
  Avantageux   >19°C de sept. à oct. >26°C de sept. à oct > 26°C (autre qu'à la mi-juil.)

1étape physiologique à laquelle le raisin commence à prendre de la couleur

Les pomiculteurs et les viticulteurs se sont adaptés pour réduire le risque au minimum (voir le tableau 13). Dans les deux cas, la qualité du fruit étant le principal déterminant du prix, ils consacrent beaucoup d'efforts à obtenir une récolte de la meilleure qualité possible. Un certain nombre de pratiques peuvent compenser les effets des conditions météorologiques, y compris la protection contre le gel par l'irrigation ou des souffleuses à air, la protection contre le stress de la chaleur au moyen de l'irrigation pour assurer un refroidissement par évaporation, et une meilleure lutte contre les maladies et les ravageurs durant les ann ées froides et humides. Il y a également eu des réactions non horticoles aux conditions météorologiques, comme celle de produire un type de vin différent ou d'expédier les fruits aux usines de transformation plutôt qu'aux marchés de fruits et légumes frais. L'assurance-récolte est une importante stratégie de gestion du risque à laquelle ont recours 85 p.100 des pomiculteurs et 72 p.100 des viticulteurs pour compenser les pertes dues aux conditions m étéorologiques.

TABLEAU 13 : Adaptation des pomiculteurs et des viticulteurs de la vallée de l'Okanagan à l'échelle de l'exploitation pendant les mauvaises années (Belliveau et al., 2006a, b).
Facteur Moyens d'adaptation
  Viticulteurs Pomiculteurs
Conditions météorologiques
Saison froide et humide
  • Enlever les plants et les nouvelles pousses; pulvérisations supplémentaires contre les moisissures
  • Faire des vins pétillants
  • Vins de prix inférieur
 
Frost
  • Irriguer
  • Souffleuses à air
  • Assurance-récolte
  • Choix d'une variété précoce
  • Irriguer
  • Souffleuses à air
  • Assurance-récolte
Chaleur extrême
  • Irriguer
  • Irriguer
  • Diversifier le revenu familial (conjoint travaillant à l'extérieur)
Grêle  
  • Assurance-récolte
  • Envoyer les fruits récupérés à l'usine
Endommagement par l'incendie ou la fumée
  • Assurance-récolte
 
Market
Bas prix  
  • Resserrer le budget, réduire les dépenses
  • Changer les variétés cultivées
  • Changer les variétés cultivées
  • Stabilisation du revenu
  • Diversifier le revenu familial
Diminution du tourisme
  • Être plus dynamique dans d'autres créneaux
  • Augmenter les ventes locales
 

Des stratégies de gestion du risque visant à régler un problème peuvent en empirer un autre. Par exemple, deux stratégies appuyées par le gouvernement, soit le programme d'arrachage des vignes, en 1988, et le programme de plantation de pommiers à partir de 1992, ont malheureusement augmenté la vulnérabilité au risque climatique. Dans le cas des vignes, des variétés hybrides résistantes au froid ont été remplacées par des variétés plus fragiles; dans le cas des pommiers, les porte-greffes nanisants ont augment é la susceptibilité au dommage hivernal des racines de même qu'à la brûlure des fruits par le soleil. Les programmes d'aide, comme le Programme canadien de stabilisation du revenu agricole, peuvent également nuire aux mesures prises par les producteurs pour réduire les risques climatiques. Par exemple, la décision des pomiculteurs de diversifier leurs variétés peut signifier que l'échec d'une récolte sera masqué par le succès d'une autre, ce qui empêche la ferme d'avoir droit à l'aide au revenu. De même, la diversification des sites chez un viticulteur peut empêcher celui-ci d'être dédommagé pour la perte d'une récolte à un site donné si d'autres sites n'ont pas été touchés, à moins que chacun des sites ne soit couvert séparément.

Les élévations de la température moyenne de 1,5 °C à 4 °C prévues d'ici les années 2050 pour cette région pourraient permettre aux viticulteurs de planter des variétés qui mûrissent plus tard ou qui ont besoin de plus d'unités thermiques pour atteindre une meilleure qualité (voir le tableau 12). Les pomiculteurs pourraient également cultiver des variétés qui exigent une saison de croissance plus longue. Par contre, les risques de gel du printemps et de l'automne resteront probablement les mêmes ou pourraient même augmenter si l'avancement des dates de floraison ne s'accompagne pas d'une diminution correspondante du risque de gel. Des températures extrêmement élevées en été, toutefois, pourraient rendre les conditions moins propices à la culture de la pomme (voir le tableau 12). La culture de plantes vivaces qui nécessitent l'irrigation, comme les arbres fruitiers ou les vignes, exige un important investissement (15 000 $ à 20 000 $ par hectare) en plants et en infrastructures. En outre, la période de temps qui s'écoule avant que ces investissements ne rapportent varie selon le type de culture (cinq à dix ans) et la durée de vie des plants est de 15 à 20 ans. Bien que des techniques horticoles (p. ex., greffe) permettent de changer de variétés à mi-parcours, de tels systèmes de production sont, de par leur nature, moins flexibles que la culture des annuelles, et donc plus vuln érables au changement climatique.

4.3.3 Les écosystèmes aquatiques et la pêche

Au cours du dernier siècle, les activités humaines ont de plus en plus dominé la mosaïque originale des écosystèmes aquatiques et terrestres du bassin de l'Okanagan. Le tiers de toutes les espèces végétales et animales qui figurent sur la liste des espèces menacées de disparition imminente, en Colombie-Britannique, se trouvent dans les écosystèmes du bassin de l'Okanagan (Bezener et al., 2004). Quatre-vingt-cinq pour cent des habitats de terres humides et riverains de fonds de vall ée ont été perdus en raison des activités humaines et de leurs perturbations (BC Ministry of Environment, 1998). Au cours des 30 dernières années, la pêche sportive et la pêche au saumon des Premières nations, qui jouit d'une protection constitutionnelle, ont virtuellement disparu de tout le bassin (Hyatt et Rankin, 1999; Andrusak et al., 2002). Des espèces migratoires, comme le saumon rouge (Oncorhynchus nerka) et la truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss) font l'objet d'objectifs et d'accords de gestion et de conservation tant nationaux qu'internationaux. Le maintien à long terme et la restauration des écosystèmes aquatiques et des populations de poissons indigènes de la vallée de l'Okanagan représentent un défi important, auquel vienent s'ajouter des considérations d'ordre régional, national et international fort complexes (p. ex., Shepard et Argue, 2005).

Les tentatives de restauration des populations de saumon dans le bassin de l'Okanagan-Columbia (p. ex. Wright, 2004) s'inscrivent dans le cadre d'un vaste effort de gestion des écosystèmes aquatiques régionaux à des fins multiples, dont la production d'hydroélectricité, l'irrigation, la navigation, la lutte contre les inondations, les loisirs, l'approvisionnement en eau industriel et municipal, et les habitats halieutiques et fauniques (Lee, 1993). Le changement climatique pose un d éfi important à ces efforts en général, et à la conservation et à la restauration des populations décimées de salmonidés en particulier, puisqu'il agit sur la quantité et la qualité de l'apport hydrique saisonnier qui régit les caractéristiques de l'habitat (température, taux d'oxygène, débit et charge en nutriments) essentielles aux salmonidés. Le réchauffement de l'eau et les changements de volume et de période du débit des cours d'eau créeront, dans les bassins de l'Okanagan et du Columbia, des conditions de plus en plus inhospitalières pour les salmonidés (Hyatt et al., 2003; Casola et al., 2005). Ces impacts du changement climatique aggraveront les conflits existants (Whitfield et Canon, 2000; Moorhouse, 2003) et en feront naître de nouveaux liés à l'attribution de quantités d'eau limitées en vue de maintenir le niveau des lacs et les débits minimums pour le poisson, tout en satisfaisant les besoins des autres usagers aux échelles régionale et internationale (Pulwarty et Redmond, 1997; Payne et al., 2004).

Les objectifs concurrents de la gestion de l'eau dans le bassin de l'Okanagan font depuis longtemps l'objet de dialogues et d'interventions (Hourston et al., 1954; Anonyme, 1974; Cohen et Kulkarni, 2001). C'est pourquoi de nombreux détails du cadre actuel de la gestion de l'eau figurent à titre d'éléments normatifs dans des accords nationaux (Canada-British Columbia Okanagan Basin Agreement, ou OBA) ou internationaux (Canada –États-Unis). L'OBA reconnaît spécifiquement que les décisions en matière de gestion de l'eau ont une incidence sur les écosystèmes aquatiques et la production des poissons, de sorte que des dispositions de l'accord portent surtout sur le maintien des niveaux de décharge des lacs et des cours d'eau qui sont ajustés de façon saisonnière, afin de protéger la capacité de production des populations de salmonidés dans l'ensemble du système (Anonyme, 1974). On attribue à la complexité de trouver un équilibre entre les besoins en eau du secteur des pêches, les mesures de lutte contre les inondations et les objectifs d'allocation de l'eau (Alexander et al., 2005) le fait qu'on se soit peu conformé à l'OBA quant aux provisions visant le niveau et la décharge du lac (Bull, 1999).

Adaptation

Le changement climatique complique encore plus la tâche difficile d'équilibrer les objectifs concurrents de l'approvisionnement en eau pour le maintien des écosystèmes naturels et celui des ouvrages construits qui dominent de plus en plus les bassins de l'Okanagan et du Columbia. Bien que des décennies d'expérience dans les portions du bassin du Columbia situées aux États-Unis semblent indiquer qu'une augmentation des conflits quant aux objectifs de gestion de l'eau serait inévitable (Committee on Protection and Management of Pacific Northeast Anadromous Salmonids, 1996), elles mettent aussi en évidence l'importance de trouver des solutions d'adaptation viables en vue, le cas écheant, d'éliminer ces conflits ou de les réduire au minimum. Parmi les avenues possibles figurent les suivantes : 1) élaborer et maintenir un dialogue éclairé entre les organismes gouvernementaux, le secteur industriel et les collectivités locales (p. ex., Tansey et Langsdale, 2004) afin d'examiner les objectifs concurrents de la gestion de l'eau; 2) augmenter la collaboration et l'intégration de tous les groupes participants à la définition et au maintien des cadres de gestion de l'eau; 3) acquérir des compétences à la fine pointe de la science et de la technologie en vue de doter les gestionnaires des ressources de nouveaux outils qui leur permettront de fournir les informations essentielles à la prise de décisions complexes en matière de gestion de l'eau (Hyatt et Alexander, 2005).

4.4 LES RÉGIONS MÉTROPOLITAINES : VANCOUVER ET VICTORIA

Le District régional du Grand Vancouver et le District régional de la capitale Victoria constituent les noyaux politique et économique de la Colombie-Britannique. Bien que l'adaptation au changement climatique ne soit généralement pas une préoccupation première des dirigeants et des chefs de file des villes, il s'agit d'un enjeu en émergence, à l'ordre du jour de la planification et de la gestion de certains ministères et décideurs. On trouvera ci-dessous un résumé des deux principaux problèmes auxquels sont confrontés les deux districts les plus populeux de la Colombie-Britannique : la gestion de l'approvisionnement en eau et la gestion des eaux pluviales.

4.4.1 Gestion de l'approvisionnement en eau

FIGURE 18

FIGURE 18 : Apports moyens des précipitations, et prélèvements aux fins de consommation au réservoir Sooke, au sud de l'île Vancouver, en Colombie-Britannique (tiré de Capital Regional District Water Services, 2007).

Version textuelle

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Les deux districts doivent relever le défi bien connu de gérer les approvisionnements en eau d'une population en pleine croissance avec des infrastructures désuètes et dans un contexte de changement climatique. Le réservoir Sooke, dans le sud de l'île de Vancouver, est la principale source d'eau pour le district de Victoria. Le climat de la région se caractérise par des étés chauds et secs, et des hivers doux et humides. Le bilan hydrique de la région se définit quant à lui par un surplus de 1 226 mm l'hiver, quand le réservoir se remplit, et par un déficit de 138 mm l'été, lorsque le réservoir se vide. Il y a donc un déséquilibre naturel entre l'approvisionnement en eau et l'utilisation de l'eau dans la région (voir la figure 18), comme cela arrive souvent dans de nombreux bassins de la côte de la Colombie-Britannique. En outre, on note une forte variabilité interannuelle et interdécennale des précipitations saisonnières, et les périodes de surplus et de graves pénuries d'eau ont été fréquentes depuis le début des années 1980 (voir la figure 19). Le PDO exerce une grande influence sur cette variabilité, de même que sur le bilan hydrique du réservoir (voir la figure 19).

FIGURE 19

FIGURE 19 : Écarts en'hiver (octobre à mars) et en'été (avril à septembre) des variables de l'approvisionnement en eau du reservoir Sooke par rapport aux valeurs moyennes de 1961 à 1990 (tendances linéaires de la période de 87 ans entre crochets; * indique des tendances au degré de confiance de 0,05). Les données sur la température, les précipitations et la consommation ont été fournies par le District régional de la capitale. À noter que les valeurs de température pour 1966 à 1994 et de consommation pour 1971 à 1977 ont été estimées. L'évaporation a été estimée à partir de la longueur du jour et de la température de l'air (selon Hamon, 1963). On trouvera également les futures valeurs de la température, des précipitations et de l'évaporation potentielle pour des périodes de 30 ans, centrées sur les années 2020, 2050 et 2080. Les projections se fondent sur les moyennes d'ensemble pour les scénarios d'émissions A2 et B2 établis à partir des sept modèles de circulation générale recommandés par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (2001).

Version textuelle

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En réaction aux graves sécheresses et à la croissance démographique prévues, le District régional de la capitale a surélevé le niveau du réservoir Sooke de 6 m en 2002, ce qui a accru la capacité de stockage de 78 p.100 (Capital Regional District Water Services, 2004). Si l'on se base sur les conditions climatiques du passé et sur un taux maximal de croissance d'environ 1 p.100, cette nouvelle capacité ne permettra de répondre à la demande prévue que jusqu'en 2023 (Capital Regional District Water Services, 2004). Le District a mis en œuvre plusieurs projets de conservation ou de gestion de la demande qui compensent partiellement l'augmentation de la demande, notamment des compteurs d'eau résidentiels, des restrictions de l'arrosage des pelouses en plusieurs étapes et des rabais consentis sur l'achat d'appareils plus efficaces (toilettes, machines à laver).

Le District régional du Grand Vancouver s'approvisionne en eau dans les bassins Capilano, Seymour et Coquitlam, dans la cha îne côtière, en bordure nord de la ville. Le climat de ces bassins est beaucoup plus humide et beaucoup plus froid que celui de Sooke, et les eaux de ruissellement du printemps et de l'automne y sont abondantes, de même que l'accumulation de neige hivernale. Les six réservoirs en montagne offrent une grande capacité de stockage en été. Les entraves actuelles à l'approvisionnement en eau du District régional du Grand Vancouver sont liées à la capacité des infrastructures du réseau, en particulier les canalisations, les prises d'eau et les installations de traitement des eaux, de répondre à l'augmentation de la demande d'une population en pleine croissance.

À l'avenir, le changement climatique entraînera une diminution de l'accumulation de neige annuelle, car il y aura une augmentation des précipitations annuelles tombant sous forme de pluie. Comme les étés seront plus secs et plus longs, les infrastructures seront encore plus sollicit ées, en particulier durant les périodes de pointe de la demande saisonnière. Le changement climatique exigera probablement que l'on effectue plus tôt les modernisations et les investissements en capital requis pour augmenter la capacit é de stockage. Les programmes de gestion de la demande et de laconservation de l'eau sont des premières étapes importantes, qui devraient permettre de retarder le moment d'entreprendre des améliorations en matière de capacité. Le plan de gestion de l'eau potable (Drinking Water Management Plan) du District régional du Grand Vancouver prévoit l'évaluation et la surveillance en continu, avec des rapports d'étape biennaux qui tiennent compte des répercussions possibles du changement climatique et des implications en matiére de planification de l'amélioration de la capacité (Greater Vancouver Regional District, 2005a, b).

Les deux principales régions métropolitaines de la Colombie-Britannique ont déjà pris des mesures pour prévenir certaines répercussions du changement climatique sur l'approvisionnement en eau, répercussions qui vont d'ailleurs s'ajouter au stress exercé par l'augmentation de la demande et la croissance démographique, et devancer le moment où les approvisionnements actuels s'avéreront insuffisants. La gestion de la demande et la conservation de l'eau en continu sont des stratégies d'adaptation importantes, même si elles ne sont pas explicitement mises enœuvre en tant que telles. Les mesures d'adaptation à long terme exigeront probablement d'autres travaux de modernisation des infrastructures et d'augmentation de la capacité de stockage.

4.4.2 Gestion des eaux pluviales

Depuis 2000, le District régional du Grand Vancouver examine les risques possibles que le changement climatique peut poser pour les r éseaux d'égouts et de drainage. L'analyse des tendances constatées à l'étude de données sur les pluies recueillies au cours de plus de 40 ans révèle une augmentation de la fréquence des épisodes de pluie extrêmes, tels qu'un épisode à période de récurrence de 25 ans (4 p.100 de probabilité quelle que soit l'année) qui pourrait maintenant se manifester environ tous les dix ans (10 p.100 de probabilit é; Jakob et al., 2003). Des chercheurs sont arrivés à la conclusion que l'augmentation observée de la fréquence des épisodes de pluie intenses pourrait être liée au changement de phase du PDO survenu en 1976. Pour l'instant, puisque la méthode utilisée pour obtenir des courbes de l'intensité et de la durée des précipitations en vue de la conception des réseaux d'égouts et de la gestion des eaux pluviales ne tient pas explicitement compte des oscillations climatiques, il se peut que ces courbes soient sous-estim ées ou surestimées, selon le moment où on a recueilli la plupart des données sur les précipitations.

Depuis 2000, le District régional du Grand Vancouver examine les risques possibles que le changement climatique peut poser pour les r éseaux d'égouts et de drainage. L'analyse des tendances constatées à l'étude de données sur les pluies recueillies au cours de plus de 40 ans révèle une augmentation de la fréquence des épisodes de pluie extrêmes, tels qu'un épisode à période de récurrence de 25 ans (4 p.100 de probabilité quelle que soit l'année) qui pourrait maintenant se manifester environ tous les dix ans (10 p.100 de probabilit é; Jakob et al., 2003). Des chercheurs sont arrivés à la conclusion que l'augmentation observée de la fréquence des épisodes de pluie intenses pourrait être liée au changement de phase du PDO survenu en 1976. Pour l'instant, puisque la méthode utilisée pour obtenir des courbes de l'intensité et de la durée des précipitations en vue de la conception des réseaux d'égouts et de la gestion des eaux pluviales ne tient pas explicitement compte des oscillations climatiques, il se peut que ces courbes soient sous-estim ées ou surestimées, selon le moment où on a recueilli la plupart des données sur les précipitations. L'encadré 3 présente le point de vue des spécialistes sur la question et sur le rôle que peuvent jouer les mesures de gestion du risque.  

ENCADRÉ 3

Changement climatique et gestion du risque : point de vue des spécialistes

(R. Hicks, P. Eng., membre du Water Sustainability Committee de la British Columbia Water and Waste Association)

Les administrations locales se doivent d'offrir à leurs collectivités des services essentiels, comme l'approvisionnement en eau potable, les rues et les routes, et l'aménagement du territoire, et des services généraux, dont les bibliothèques, le logement social et les parcs et les loisirs. Les municipalités et les districts régionaux forment la base des administrations locales de la Colombie-Britannique. Les « districts d'amélioration » constituent d'ailleurs un autre palier d'administration locale offrant des services limités et spécifiques à une fonction, comme l'alimentation en eau des régions rurales, la protection contre les inondations et la construction de digues.

Parmi les grands obstacles à l'adaptation au changement climatique figure la concurrence en matière de financement entre les priorités à court terme et la gestion du risque à long terme. Pour les collectivités dont l'assiette fiscale limitée est très sollicitée ou qui font face à des coûts importants des infrastructures de base, on peut se demander si elles auraient les moyens financiers ou même la volonté de s'attaquer en priorité aux répercussions du changement climatique, d'autant plus qu'il est difficile de quantifier les avantages à long terme des programmes d'adaptation au changement climatique et qu'on connaît encore mal les implications de ce changement.

Gestion du risque

Bien qu'il soit difficile pour les administrations locales de s'attaquer au changement climatique indépendamment des autres problèmes, ces dernières constituent des gestionnaires du risque expérimentés, en particulier en ce qui a trait à la fourniture des services publics et à l'entretien de leurs biens immobilisés (routes, ponts, édifices, canalisations). La durée de vie utile des routes, des réseaux d'adduction d'eau et d'égout, et des édifices communautaires varie entré environ 20 ans et un siècle ou plus. La gestion de ces biens prend en considération le risque d'interruption de service, le niveau de performance, la limitation des coûts d'exploitation ainsi que la planification et la budgétisation du remplacement et des réparations. C'est dans ce contexte que les instances locales sont bien placées pour tenir compte des répercussions du changement climatique en tant que risque supplémentaire lié à leur prestation de services municipaux.

Faire face aux risques du changement climatique liés à l'utilisation des terres et au zonage est plus délicat pour les administrations locales. Il est possible que certaines mesures d'adaptation sortent du mandat des municipalités et soient difficiles à mettre en œuvre. Sans justification impérieuse, les instances locales ne mettraient probablement pas en œuvre des programmes et des changements de zonage susceptibles d'affecter la valeur ou l'utilité de terrains privés.

La sensibilisation aux impacts du changement climatique et certaines compétences sont requises pour que les mesures d'adaptation soient introduites d'une manière efficace dans la planification et les procédures quotidiennes de gestion du risque de l'administration locale. Les périodes de récurrence, couramment utilisées pour déterminer les seuils de conception technique et les cibles de performance des réseaux de gestion des eaux pluviales, de drainage, d'égout et d'adduction d'eau, créent l'impression que les phénomènes à l'œuvre sont bien compris, mais cette impression est fausse, car les périodes de récurrence en question se fondent sur des phénomènes du passé. Elles figurent couramment dans les réglementations et les normes de pratique en ingénierie. Toutefois, les utiliser sans tenir compte du fait qu'elles seront modifiées par la variabilité et le changement du climat équivaudrait à conduire une voiture en regardant dans le rétroviseur – cela ne fonctionne qu'en ligne droite ! C'est pourquoi le recours aux périodes de récurrence pourrait faire prendre de mauvaises décisions à long terme et empêcher la municipalité de prendre des mesures d'adaptation proactives si on ne les replace pas dans le contexte du changement climatique.

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